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DANS LA RÉPUBLIQUE. Ml
vainqueurs la notion du dévouement et du devoir. Tout, après
cette grande journée, nous fait espérer de la part des besoins les
plus légitimes une patience, une résignation encore plus admi-
rables , encore plus méritoires que ne l'ont été l'ardeur et l'éner-
gie au milieu de la lutte. Pour un peuple qui vient de se charger,
comme nous, de l'éducation, de la conversion du monde , c'est
le moment des hautes et difficiles vertus ; c'est l'heure de l'em-
pire sur soi-même, du sang-froid, de l'abnégation, de l'oubli de
ses droits personnels en faveur du droit de ses frères ; c'est
l'heure, enfin, de ce sacrifice de chacun à tous, qui n'a pour
l'individu d'autres limites que l'imprescriptible souci de sa di-
gnité.
Plus une forme politique est parfaite, et plus elle exige de per-
fection morale chez les hommes qui ont donné cette forme à leur
gouvernement. En proclamant la plus belle, la plus juste, la plus
fraternelle, et par conséquent la plus religieuse des formes que
puisse prendre l'association humaine, la France a imposé à ses
enfants les plus nobles, les plus religieux devoirs ; elle a placé
bien haut l'idéal qu'elle se sent capable d'atteindre. Montesquieu
a eu raison : le vrai principe du gouvernement républicain c'est
la vertu ; c'est elle seule qui rend possibles tous les bienfaits de la
liberté. En proclamant la République, la France a proclamé la
nécessité de tous les généreux dévouements, elle s'est condamnée
à toutes les vertus , à toutes les grandeurs. Glorieux jugement
que la patrie a porté sur elle-même ! Dans la chaleur même du
combat qui la rendait libre, elle a placé sa main sur son cœur,
elle l'a senti battre avec assez de calme, elle l'a reconnu assez pur
de toute colère et de toute haine, de toute grossière idolâtrie, de
toute mesquine passion, pour accepter cette tâche merveilleuse
de la République, dont elle est seule capable encore parmi les
grandes nations de l'Europe.
Sachons bien ce qu'une mission pareille commande à chacun
de nous. Que la littérature et les arts, ces instituteurs des peu-
ples , ne répandent plus autour d'eux de lâches enseignements !
Ces préceptes du beau, que nous cherchons ici en commun, sont
inséparables des règles du bien ; la littérature de nos jours l'a