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DANS LA RÉPUBLIQUE. 139
lequel la littérature et l'économie politique ont tenu la véritable
idée du devoir, l'idée du sacrifice et du dévouement.
Dans les faits qui composent la situation actuelle de notre pays,
l'influence de ces idées plus élevées, plus religieuses, plus chré-
tiennes qui régnent dans les sommités de notre littérature mo-
derne , se traduit en des témoignages incontestables, par un plus
grand respect pour la vie des hommes, pour la liberté de leur
conscience, par une reconnaissance plus formelle de l'interven-
tion de Dieu dans les choses humaines ; là est notre gloire, là est
notre espérance. Mais cette basse et ignoble littérature du maté-
rialisme , mais ces idées de jouissance à tout prix trouvent aussi
des faits qui leur correspondent dans les réalités présentes. La
pensée chrétienne de la patience et du sacrifice semble effacée de
l'esprit des hommes ; c'est de là que viennent tous nos dangers.
Lorsqu'à la fin du dix-huitième siècle, nos pères se sont levés
pour commencer le drame glorieux de la Révolution française, la
grande masse de la nation était encore sous l'influence des prin-
cipes moraux du christianisme ; le reste était imbu des idées d'une
philosophie généreuse, d'un noble stoïcisme qui savait s'attendrir
pour les misères d'autrui, et qui savait oublier ses propres
souffrances devant la nécessité et la gloire du dévouement. Alors,
ce ne fut pas au nom des besoins, des intérêts, des jouissances,
que la grande nation prit l'initiative des réformes sociales. Le feu
qui animait cette héroïque génération, ce n'était pas le désir du
bien-être, mais la noble soif delà justice et du droit. Ce fut pour
conquérir des richesses immatérielles que s'arma ce noble peuple
de France ; c'est pour des vérités morales que tombèrent tant de
martyrs. L'idéal qu'on entrevoyait alors au bout de la lutte, ce
n'était pas les douceurs d'un festin pour les sens, c'était l'agran-
dissement de rame, l'austère triomphe de la dignité humaine.
La première pensée des hommes de ce grand jour ne fut pas de
s'assurer une vie plus douce et plus commode pour le lendemain ,
mais de se préparer à une belle mort. Leur premier cri ne fut pas
pour demander un pain meilleur ; ils se levèrent, pieds nus et
sans pain, pour aller à la frontière placer le rempart de leurs
poitrines entre la liberté naissante et les vieilles tyrannies ; ils se