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484 LETTRES SUR LA SARDAIGNE. lards glacés et les grands lacs de la pairie de l'amanl in- connu. Emu de pitié , voulant au moins lui faire savoir que quelqu'un comprenait sa tristesse et en avait pitié, je pris mon bouquet et le laissai rouler à ses pieds. Elle leva la tête de mon côté sans me voir, ramassa les fleurs et disparut. [Jn quart d'heure après , mon ami et moi galopions sur la route de l'établissement. Quelque temps après nous retrouvâmes maître Piga , sa famille et le beau moine, réunis au hameau de San-Joseph, où l'on célébrait la fôte du saint. Depuis quelques jours, mon ami et moi étions en villégiature, parcourant les villages so- litaires, cachés au fond des vallées, ou suspendus aux flancs de ces hautes montagnes, qui abritent le midi de la Sardai- gne contre les vents alises de la mer tyrrhénienne. Nous avions parcouru ces plaines brûlantes, où les gazons mous- sant rencontrent à peine assez de terre pour y étendre un reste de manteau jauni, et à l'extrémité desquelles s'élèvent les murs calcinés de Gonos , bâtis sur le lit caillouteux d'un torrent, dont le soleil a bu les eaux. Puis, nous enfonçant dans les vallées, nous étions allé demander l'hospitalité au recteur d'Argus , qui nous montra son beau village environ- né de prairies, où paissent des troupeaux de bœufs, petits et vigoureux , noyés jusqu'aux genoux dans les grandes herbes odorantes. Nous avions vu Guspini, ses belles filles qui se sauvaient effarées , à la vue d'étrangers en redingote, et ses enfants sauvages, poursuivant des troupeaux de cochons-san- gliers à queue flottante. Un ruisseau coulant au fond d'un ravin, sous une allée de lauriers roses, aux troncs polis, aux feuilles métalliques, nous conduisit vers les collines embau- mées de Fiumini-Maggiore , que couronnent les grands bois de citronniers, dont les fruits se fondent sous la dent en une liqueur douce et parfumée. Enfin, nous avions visité le beau village d'Iglesias, plus vivant , plus civilisé déjà , grâce à la