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430 DU GÉNIE LITTÉRAIRE sénat romain, ni d'amphyclions, mais il nous reste encore Homère, Platon et Virgile. Les œuvres les plus durables des arts subissent elles-mêmes l'action du temps ; encore quel- ques années et plus rien ne subsistera du ciseau de Phidias. Autour des Pyramides elles-mêmes la pensée peut entasser le nombre de siècles qui doit ensevelir ces géants de granit, sous les sables du désert; mais tant que l'homme restera l'homme, tant qu'il aura le sentiment de l'idéal pour s'élan- cer vers l'avenir, et la mémoire pour communier avec le passé, le Phédon et l'Iliade se transmettront d'une génération à l'autre, aussi pleins de vie, aussi jeunes qu'à l'heure où ces œuvres divines sortirent tout armées du cerveau rayon- nant de la Grèce. Glorieux attribut de la poésie ! tandis que les plus grandes choses entre celles qui se réalisent à l'aide de la matière sont destinées comme la matière à périr, les fruits de la pensée pure sont immortels comme l'esprit qui les a conçus. La littérature est donc la plus durable des m a - nifestations de la vie d'un peuple ; c'est surtout h travers leur littérature que l'avenir jugera les nations. Si l'influence qu'une race exerce par la politique el par les armes ne finit pas avec celte race, elle est du moins bornée par les distances et par les siècles; ni l'espace, ni le temps ne limitent l'action de la poésie. Avec quelle conscience, avec quel amour, devons-nous donc étudier la littérature de la patrie, puisqu'il s'agit pour nous, en pénétrant dans l'intimité du génie national, d'ap- prendre à connaître un but auquel nous devons tous con- courir ; d'acquérir l'intelligence et l'amour d'une de ces missions qui font, la grandeur d'un peuple devant Dieu et devant l'humanité ! Oui, Messieurs, si Dieu donne à chaque peuple et à chaque homme une aptitude, une énergie spé- ciale, ce génie dont il les doue n'est pas un instinct aveugle qui les entraîne, il est possible d'y résister, de le faire dévier,