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20G SORTIE DES LYONNAIS. mal sains. Une nuit, entre autres , nous tombâmes dans un champ de navels, et nous en fîmes un avide repas. Réduits ensuite à désirer une source , un ruisseau : nous n'en trou- vions pas toujours pour apaiser notre soif. Enfin, après neuf jours, passés dans ces angoisses, j'ai trouvé un asile et des verlus : j'ai pu me reposer sous un toit hospitalier. Le peuple français est bon. Je m'en suis con- vaincu : son erreur est le fruit de sa candeur, de sa bonne foi, et le crime de ses tyrans. Voilà le récit que vous m'avez demandé, mon ami. Je puis avoir fait des oublis , je ne puis pas savoir tout. Je suis isolé et je n'ai rien appris , mais tout ce que je vous ai dit est vrai. Il me reste peut-être encore des témoins ; tous les Lyonnais qui m'ont suivi n'auront peut-être pas péri sous le fer des as- sassins. Quel intérêt me reste encore dans le moment où nous sommes? Je ne puis plus jouir : le sort des malheureux ha- bitants de celte ville, pour laquelle je sacrifierais encore ma vie, me poursuivra toujours, et partout. J'ai perdu mes amis, mes parents; je manquerais, si je n'avais pas trouvé des âmes sensibles et généreuses. Je croyais périr un des premiers ; j'avais prêté à mes amis, j'avais donné le reste à mon vertueux domestique. Hélas ! il a été pris, les monstres l'ont fait fusiller. Son crime était de m'avoir été fidèle, d'être resté à mon service... Adieu, mon ami, ne confiez à personne ce que je ne confie qu'à vous. Je pourrai vous envoyer bientôt l'histoire du siège de Lyon. Ce sera toujours pour vous seul. Je voudrais vous faire connaître les Lyonnais, ainsi qu'à tout l'univers. Je ne le puis que sous le règne de l'ordre et de la justice. Ce temps reviendra-t-il jamais ? (La retraite du général Précy dans les montagnes du Forez, au prochain numéro).