page suivante »
M. ALEXANDRE DUMAS. 163 un rôle honteux à ses personnages, choisis dans les anciennes famil- les de France, sans que les descendants de celui qu'on aura flétri aient le droit de réclamer justice et vérité en faveur du nom qu'ils s'honorent de porter. La question est pendante entre M. Dumas et M. le comte d'Épinay-Saint-Luc, nom attribué par l'écrivain à l'un des mignons d'Henri III,dans le roman d e £ a Dame de Monsoreau. En général, M. Dumas professe très-peu de respect pour les ré- putations et les personnages historiques, même les plus purs et les plus justement considérés. Un affront immérité, une souillure gratuite, ne coûtent pas à sa plume quand il en doit rejaillir quel- que incident inattendu, quelque opposition dramatique. Rien n'est sacré pour cet écrivain, pétrissant l'histoire au gré de son ima- gination capricieuse et trop souvent désordonnée. Sa pensée pro- fane, irrévérencieuse, ne s'arrête ni devant le malheur ni de- vant la tombe, ni quelquefois même devant l'échafaud ! Nous connaissons telle page de son dernier roman, les Mémoires d'un Médecin, où l'oubli de toutes les convenances est poussé à un de- gré tel que M. Dumas, dans ses plus mauvais jours, n'avait encore rien offert de semblable. Comment oserons-nous exprimer que le romancier a fait servir à une scène lubrique deux noms sanctifiés par le martyre, ceux de Marie-Antoinette et de Louis XVI, et qu'il a méconnu tous les sentiments en racontant, de façon à faire monter le rouge an visage, la première nuit de noce du petit-fils de Louis XV? Nous n'en dirons pas davantage sur cette page honteuse, qui ne trouvera pas un comte d'Epinay-Saint- Luc pour la déchirer ; mais c'est assez montrer quelles tristes et déplorables images on est souvent exposé à rencontre sous la plume de l'écrivain dont le Constitutionnel et la Presse viennent de se voir confirmer par autorité de justice le dangereux monopole. Nous aurions voulu terminer cet appendice par quelques paroles élogieuses, afin de compenser la sévérité de nos jugements; mais, pour rendre les traits de son modèle, le peintre n'a pas le choix des couleurs : ce n'est pas la faute de l'artiste si quelque pur rayon, quelque douce échappée de lumière, ne vient pas, en finis- sant, éclairer les teinles rembrunies de son tableau. Auguste DUCOIN.