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SOUVENIRS DE 1 7 9 3 . 115 trouvai très disposé à un arrangement, et je crois qu'il était de bonne foi. Epargner le sang, me dit-il, nous ne pouvons pas nous dispenser défaire arrêter les prêtres et les émigrés, mais nous ferons comme çà , et il mit ses doigts écartés d e - vant ses yeux. Bref, à son secrétaire, j'écrivis une lettre aux Lyonnais pour les engager à envoyer des chargés de pouvoir, etc. Gauthier prend ma lettre pour aller la communiquer à son collègue; il revient un instant après, et me d i t : Crancé dit qu'il vous fera fusiller. — E h ! pourquoi? — Parce que vous avez écrit : mes chers compatriotes.—Eh ! le sont-ils moins, parce qu'ils sont égarés et rebelles ?—Cette querelle n'eut pas de suite, la lettre fut terminée et cachetée. Je demandai qu'on la fît porter par un trompette : on le refusa. C'était à moi de la faire parvenir comme je pourrais. J'aurais com- promis un malheureux commissionnaire, homme ou femme. Je réfléchis que je me compromettais moi-même de plus en p l u s : je détruisis la lettre, et pour me faire oublier, j'allai voir ma mère en Bugey. Quelques jours après, je revins chez mon beau-frère ; j ' y trouvai Mme Gauthier, sa fille, arrivée depuis peu de jours de Grenoble. Elle vint à moi avec empressement, et me dit : Mon mari vous attend avec impatience ; les représen- tants du peuple Coulhon, Châleauneuf, Randon et Maignet sont arrivés ; Dubois Crancé n'a plus la haute main, on peut s'arranger avec Lyon. Mon mari désire que vous y alliez. N'est-il pas vrai que vous y irez ? ajoutait-elle, en me serrant les mains. — N'en doutez pas, Madame, je suis tout prêt à y retourner, et dussé-je y périr, je n'hésite pas quand il s'agit du salut de ma patrie. Il est convenu que le lendemain matin j'irai voir Gauthier; nous nous couchons; au milieu de la nuit, un guide arrive porteur d'un billet de Gauthier à sa femme, qui lui disait : si notre ami est de retour, dis-lui de partir et de se cacher, parce que je viens de signer l'ordre de son arrestation. Je n'hésitai pas, et allai me placer, à Neuville, sous la protection de Dorel, ci-devant chocolatier,