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LETTRES SUE LA SARDAIGNE. 71 lance éclairaient les rues et les carrefours. Autour, se tenant par la main, de joyeuses bandes dansaient en rond aux sons des laonedas ; des Sardes chantaient en chœur, en nelloyaut leurs armes ; les femmes, au seuil de leur maison, se ren- voyaient des propos provoquants accompagnés de bruyant 8 éclats de rire, ou parcouraient la place en échangeant à la déro- bée, avec les jeunes hommes, ces regards furlifs qui vous mettent au cœur du bonheur pour un jour ; les confréries, bannières en tête et torches à la main, serpentaient au milieu de la foule en psalmodiant le rosaire et autres patenôtres. Ces chants, ces danses pittoresques, ces costumes bigarrés, ces femmes agaçantes, ces moines, ces processions, ces bannières, toute cette foule enfin transportée el bruyante, éclairée par les lueurs mouvantes des flammes et des torches, sous le beau ciel d'une nuit d'Italie formaient un spectacle enivrant et magique dont le souvenir ornera longtemps la poésie de mes rè\es. Je me rappelai alors que j'étais à la veille du premier jour de mai, el que le lendemain était la fête nationale de la patrie : la fête du grand saint Ephise, le patron de toute la Sardaigne. Saint Ephise, voilà , j'en suis sûr, cher ami, un saint dont le nom et la vie vous sont également inconnus ; mais votre ignorance est excusable, d'abord, parce que vous n'avez pas le bonheur d'être Sarde, el ensuite parce que les faits et gestes de cet illustre bienheureux ne sont retracés, je crois, dans aucun martyrologe. Cependant il ne mérite pas une pareille indifférence, el je suis heureux de pouvoir vous faire faire sa connaissance. Saint Ephise naquit en Grèce, sous le règne de Dioclélien, je crois. Guerrier courageux el intré- pide, ses éclatants services lui valurent le commandement de la Sardaigne, où il embrassa le christianisme et reçut la couronne du martyre; c'était un général, aujourd'hui, c'est un petit homme de quatre pieds de haut, un petit homme