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458 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. vainqueur magnanime. Il se repent sans doute de ce triomphe, car ce repentir, c'est sa thèse, et il faut bien qu'elle revienne par inter- valles ; mais combien il pense encore avec bonheur à ces deux ou trois journées où il lui fut donné enfin, une fois dans sa vie, de jouer un rôle, d'être un personnage! — Et voilà le livre que vous voulez mettre entre les mains du peuple pour le calmer et le détour- ner de semblables agitations! Mais la partie saine du peuple n'en a pas besoin, et quant à l'autre, elle se moquera de votre repentir af- fecté; elle se dira que si l'audace a été heureuse pendant trois jours, elle pourra peut-être, le cas échéant, l'être plus longtemps. Vos ré- cits seront pour elle non un frein, mais un excitant et peut-être un cours de stratégie. Romand a volé; Romand est au bagne de Toulon, et il nous en fait le hideux lableau. Ici nous sommes de son avis, où plutôt, nous som- mes de l'avis de tout ce qu'il y a maintenant en France d'hommes éclairés et raisonnables. Nous tenons les bagnes pour une école de tous les crimes, pour un horrible foyer de corruption. Mais, pour con- firmer cette idée qui n'est pas neuve, nous ne pensions pas qu'il fût besoin de tous les détails sur lesquels Romand insiste. Il en est beaucoup qu'il aurait dû rigoureusement supprimer. Certains faits peuvent être bons à dire devant une commission de la Chambre des Députés chargée de préparer un projet de loi, non dans un livre des- tiné au peuple, aux jeunes gens, au public. Lorsque sa plume a écrit certaines particularités révoltantes, Romand n'a-t-il pas songé aux jeunes imaginations qu'il allait souiller à jamais ? n'a-t il pas songé à nos femmes et à nos filles, sous les yeux de qui ces pages pouvaient tomber ? Que me font vos grands mots de morale, de re- ligion, si à côté je trouve des récits que va dévorer la plus immonde curiosité ? que me parlez-vous de repentir, de régénération, lorsque vous faites un livre qui est un mauvais livre ? Il y a un trait, dans la vie de Romand, qui nous paraît un trait in- fâme. De retour dans son pays, il rencontre une jeune fille qui lui plaît, el il forme le dessein de l'épouser. Cette jeune fille est hon- nête, mais elle ignore les antécédents de son prétendant ; elle ignore que c'est un ex-galérien qui lui propose de devenir sa femme ; elle ne connaît de Romand que sa condamnation politiqne, condamna