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450 LETTRE A M. DE LAMARTINE
mises ou tolérées, ne les dénoncer pourtant qu'avec cette rigueur
délicate que commande une grande infortune ; si l'on appelle cela être
royaliste, alors, maître, les républicains vous mettraient à bon droit
sur la liste des suspects. Car, en condamnant les erreurs au nom
de vos principes, vous êtes rempli de respect et de courtoisie. A la
journée du 20 juin, au 10 août, vous auriez parlé, ce me semble, Ã
Louis XVI, à la reine, comme l'énergiijue et loyal Rœderer. Vi-
vant loin de la cour, à l'heure suprême du péril, vous seriez ac-
couru de votre castel de St-Point, vous ranger auprès des Vioraes-
nil, des du Vigier, des d'Herbilly, avec M. de Lamartine, votre père,
tous ces courtisans du malheur, et vous auriez mis bravement votre
corps entre la royauté et le crime funeste de la populace.
Le fanatisme a de singuliers égarements. Certains royalistes ne
vous ont-ils pas accusé d'avoir voulu flétrir la mémoire de Marie-
Antoinette par des rélicences perfides; ils n'ont rien compris à la pro-
bité de l'historien qui dédaigne les pamphlets, les calomnies, pour
nejuger que sur l'évidence ? vous, le poète de la femme, qui l'entou-
rez avec tant de complaisance d'une auréole de grâce et de pureté,
vous qui voyez le cœur de la femme partout où il se fait quelque
chose de grand, vousauriez tout d'un coup répudié vos instincts, vos
mœurs, vos traditions?—j'ai beau chercher je no trouve que des
faiblesses de cœur à demi-dévoilées, pour être couvertes aussitôt
par aine haute indulgence, et par votre empressement à rehausser
les vertus de la malheureuse reine. Oh! si Marie-Antoinette, sur le
dernier degré de l'échafaud, poursuivie par les clameurs infâmes de
la plèbe, avait pu lire dans l'avenir cette page des Girondins où vous
la représentez « sans héroïsme affecté comme sans abattement ti-
mide, au niveau de toutes ses tendresses, de toutes ses grandeurs, de
toutes ses catastrophes,... espérant sans ivresse, se décourageant
sans s'avilir... voilant ses angoisses du respect qu'elle devait au
sang de Marie-Thérèse, à elle-même, à la royauté, au peuple qui
la regardait... un sourire de gratitude aurait un instant suspendu
sur ses lèvres la prière de l'agonie et de la sublime résignation.
A quelle école appartenez-vous en histoire? à aucune, à mon sens.
Votre règle suprême c'est la vérité et le bien : par là vous échappez
à la mesure toujours étroite des écoles et des systèmes. Avec un