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366              LETTRES SDH LA SARDAIGNE.
che, au dessus de la pente de la colline, j'apercevais les clo-
chers et les coupoles de la ville qui se dressaient dans les airs,
blanches sur un ciel d'azur ; la mer tranquille el infinie s'é-
tendait à l'horizon. Dans les roches calcinées qui recouvrent
les flancs du ravin, les Romains ont taillé d'immenses gradins
qui descendent jusqu'aux pieds delà colline; nous parcourû-
mes leurs rangées successives, broyant sous nos talons les
grandes herbes desséchées, effarouchant les sauterelles re-
tentissantes qui s'élevaient devant nous en nuageuse volée,
découvrant à travers les figuiers mauresques, qui s'agraffaient
au terrain par de robustes racines, des inscriptions romaines
à moitié effacées; jusqu'à ce qu'enfin nous nous trouvâmes
au fond de l'amphithéâtre. Le dos tourné à la plaine, je
contemplai longtemps avec admiration cette enceinte gigan-
 tesque, creusée par la nature, façonnée par la main des hom-
 mes, et dans laquelle une population bruyante et empressée
 venait assister à ces spectacles merveilleux, dont hélas! géné-
ration dégénérée, incapable de rien de grand, môme pour nos
 plaisirs, nous avons perdu l'intelligence et le secret. Le s i -
 lence était solennel, la solitude était complète ; pourtant un
 troupeau de maigres moutons broutait l'herbe grillée accro-
 chée aux gradins, et un pâtre, assis à leur sommet, jetait
 dans les airs sa chanson nasillarde, dont le vent parfois nous
 apportait le refrain.
   Monsieur le baron, qui connaît les richesses archéologiques
de Cagliari beaucoup mieux qu'un Gagliaritain, a découvert,
aux pieds des gradins, caché sous les feuilles des cactus,
un souterrain , s'enfonçant sous les rochers ; il aboutit à
une autre crevasse qui coupe la colline parallèlement à
l'amphithéâtre, el dans laquelle est situé l'humide jardin des
Capucins. Ce conduit était destiné à amener les eaux né-
cessaires à la célébration des jeux nautiques; il se lie, en
effet, à d'immenses citernes taillées dans le roc et revêtues