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346 LETTRES SDK LA SARDAIGNE.
LETTRE PREMIÈRE.
A MADAME
Après deux jours et deux nuits de navigation, à bord du
bateau à vapeur sarde, la Gulnare, en compagnie d'un capi-
taine distingué, de deux officiers de marine, aimables et
spirituels comme tout officier de marine, et d'une trentaine
de passagers plus ou moins réjouissants, nous entrâmes, par
une belle matinée d'avril, dans le golfe de Cagliari.
Je professe pour toute description le mépris le plus absolu,
par l'excellente raison, que c'est en littérature un morceau
bien fort, souvent ennuyeux, mais toujours inutile. En effet,
l'idée que nous nous formons des lieux et des objets d'après
une description, quelque détaillée qu'elle soit, ne se trouve
jamais être conforme à la réalité, quand, plus tard, il nous
arrive de la contempler de nos propres yeux. Aussi me con-
tenterai-je de vous dire que le golfe de Cagliari est magni-
fique, qu'il est enveloppé de hautes montagnes, dont les
sommets tremblent sans cesse dans une vapeur lumineuse,
et dont les pieds toujours verts, baignent dans une mer bleue,
limpide et profonde. Maintenant, si vous desiriez une peinture
plus minutieuse de ce golfe enchanteur, vous pouvez avoir r e -
cours aux souvenirs des voyageurs qui ont chanté, célébré, dé-
taillé les beautés du golfe de Naples ; vous remplacerez le pana-
che de fumée qui couronne le Vésuve par les feux des pasteurs,
vous appellerez cap de Poula le cap de Sorrenle, et, par
un dernier effort de votre imagination, vous ferez disparaître
les îles poétiques d'Ischia et deProcida, et, cela fait, vous aurez
une idée aussi inexacte du golfe de Cagliari, que si j'avais pris