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'^80 VOYAGE A VIENNE. rien coûté au prince de Mellernich, lequel pourtant en est peu prodigue, et le vend au peuple autrichien aussi cher qu'une liberté (1) ! Ainsi donc, que l'Autriche prenne Cracovie, à la bonne heure ! nous protesterons; mais notre vin de Bordeaux, gare à qui le louche ! Au surplus, soyons sans inquiétude : la vigne dépaysée n'a pas oublié son origine française : transplantée en terre de Bade, elle donnera du vin de Bade, dont me préserve le ciel ! D'ailleurs, ce n'est pas du vin que l'on va chercher là : c'est de l'eau ! Et n'est-ce pas la plus ridicule prétention du monde, que de vouloir produire un généreux Médoc, quand on s'appelle Bade, c'est-à -dire bain ; quand on pos- ?,s'îe seize établissements d'eau thermale ; quand on porte une de ces désignations aqueuses déjà citées ! Celle délicieuse vallée de Sle-Hélène, tant foulée par les pas languissants des malades de Bade, et par le pas vif des touristes valides et joyeux, conduit — je l'ai déjà dit —par le plus pittoresque chemin du monde, à la fameuse abbaye de Ste-Croix. On y arrive tout charmé, après avoir admiré les beaux aspects, les paysages âpres et charmants de cette na- ture accidentée. Cette vaste abbaye fut habitée autrefois par (i ) Les vignobles de Johannisberg valent bien une petite notice historique. Voici ce que j'en sais : Ils appartinrent d'abord à un évêque de Fulde, dans Pélectorat de Hcsse- Cassel : l'Eglise a toujours fait cas du bou vin. Le prince d'Orange les eut ensuite. Plus tard, ils furent possédés par notre brave maréchal Kellermann : la France n'avait point oublié ses titres de gloire ; mais elle avait oublié ses titres de propriété. Enfin, après la chute de l'empire français, après la grande et définitive pacification, l'empereur François acheta, en 1816, ces vignobles fameux pour en faire présent au prince de Metternich. Le ministre avait bien mérité ce pot de vin de l'Autriche !