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VOYAGE A VIENNE. 265
roule comme un serpent, se déploie comme une écharpe,
tantôt s'étendant tout miroité au soleil, tantôt se voilant de
feuillage, selon les accidents de terrain et les alternatives de
la vallée tour-à -tour nue et ombreuse. J'étais aussi monté
sur ces hauteurs pour avoir une vue ample et complète du glo-
rieux champ de bataille de Wagram dont Napoléon prit le
nom pour le maréchel Berthier, en même temps qu'il prenait
Vienne pour la France et l'archiduchesse Marie-Louise pour
lui. — Il ne fut pas le mieux partagé.
Je cherchais encore, de ce point de vue élevé, à recon-
naître, au milieu des bras et des îles du fleuve, le champ
de bataille d'Essling, que les Autrichiens appellent d'Âspern,
du nom d'un village [Gross Âspern). Non seulement ils nous
disputent le nom, mais aussi le combat, en quoi ils réussis-
sent aujourd'hui comme autrefois. Tenons-nous en, jusqu'Ã
preuve contraire, à notre nom et à notre victoire. Il y a
bien d'ailleurs quelque raison de croire que Bonaparte n'a
pas voulu donner à Masséna — prince d'Essling — le nom
d'un combat douteux, quand les victoires avérées ne lui man-
quaient pas. Nous aurons là -dessus les renseignements pré-
cis de M. Thiers, qui nous dira bien ce qu'il en faut croire,
sans omettre le plus imperceptible détail. Nous apprendrons,
sans faute, par ce grand raconteur de batailles, comment
fut engagée et menée l'action ; nous saurons tout par le
menu. Il fera beau voir la narration manœuvrer savam-
ment entre ces bras et ces îles du Danube, et le récit dé-
border comme le fleuve qui emporta nos travaux. Seulement,
Napoléon était plus prompt à gagner une bataille que M. Thiers
à la raconter. Le grand capitaine aurait fait entrer deux cam-
pagnes, la conquête d'un royaume, peut-être même un traité
de paix — quoiqu'il fut plus lent à la chose — entre un volume
acquis de M. Thiers et le volume promis. Mais que faire? il
est malaisé de dévider à la fois le fil historique et le fil politi-