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212 DE LA FOI. L'esprit est pour le temps. Le cœur seul, je le déclare, se senl porté vers l'infini ; c'est la prérogative naturelle de l'amour. Ah! que d'interminables embarras pour l'esprit s'il ne se laisse emmener d'ici par le cœur ! On ne va pas à l'in- fini avec une échelle, ou bien en comptant tous ses pas ; il faut un bond lorsqu'on veut franchir ! C'est la terre que nous laissons, pourquoi regarder derrière nous. S'étant posé pour base et donné pour centre, l'esprit voudra, sans le savoir, retourner le cercle entier. Notre cœur est pour la vie immortelle, on le fixe en celle-ci; l'intelligence est pour ce monde, on la porte juge dans l'autre. L'esprit ne peut sortir de sa donnée : c'est l'homme, comment serait-il au- dessus ! Pour lui tout se réduit au temps. Le positif lui paraît être ici-bas. Dès-lors, le relatif veut s'expliquer par lui-même ; je vous laisse à juger de la tâche !!! Alors perdant de vue et la conception de l'absolu et les né- cessités de la liberté, l'esprit se demande sincèrement si le monde n'est pas livré au mal, qui triomphe presque toujours du bien ; à la force, qui presque partout a le succès sur la justice. Il se demande si ce qu'on appelle la cause de Dieu n'y esl pas évidemment perdue sous celle des intérêts humains ; il se demande même où Dieu se montre au milieu d'un monde à ce point délaissé ; enfin où son gouvernement s'exerce, et si sa propre Eglise est resiée dans sa mission Que de cir- conlocutions au lieu de dire tout simplement comme on le lirait dans son cœur : « Je suis plus avide qu'aimant, plus » paresseux que dévoué, je voudrais le bonheur tout de suite ; » et cet ordre de choses, où tant de peines restent à l'homme, » où la douleur esl mise pour prix de l'infini, ne saurait plus » me convenir. » ment qu'on n'ait pas encore vu la lumière. Quelle étrange idée il faut avoir de l'homme et de l'univers pour se persuader que, depuis six mille ans qu'il existe, le monde ait pu s'en passer! !