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140 VOYAGE A VIENNE. gloire plus calme et non moins rayonnante ! El, bien plus, ou plutôt, bien pis que tout cela, —je l'ai déjà dit, mais il faut le redire pour mieux peindre le délire du moment, — Marie-Louise, l'impératrice déchue, se cachait derrière un rideau, pour prendre au moins sa part de curiosité furtive à toutes ces fêtes!.... Ce fut un moment de suprême jouissance pour l'Autriche. Elle avait été si foulée ! elle avait tant de fois crié merci ! elle se relevait si heureuse et si meurtrie ! elle s'était rachetée jusque-là au prix de si cruelles rançons ! enfin elle était vi- vante encore, elle était vengée de ses longues humiliations ! C'était bien justice qu'elle prodiguât sa plus splendide hospi- talité à tous ces souverains qui lui avaient été en aide et utile alliance! D'ailleurs, elle trouvait bien son compte au partage européen : plus que tout le reste, la Lombardie avait cica- trisé ses plaies. Mais, au moment où toutes ces grandes affaires paraissaient réglées à l'amiable et comme en famille ; au moment où les protocoles en étaient à leur dernière page et les plénipoten- tiaires à leur dernier mot ; quand ces hautes transactions étaient rendues faciles par l'enivrement de la victoire, au point que l'Europe malléable se transformait sous les doigts des diplomates, un frisson électrique parcourut toute l'assem- blée. Qu'était-il donc arrivé? Rien, ou du moins peu de chose : un courrier, un simple courrier tout poudreux, qui annonçait qu'on croyait avoir vu l'ombre du petit chapeau de Napoléon se dessiner sur les côtes de France. Déjà , peut-être, était-il à Paris au moment où on parlait ! Encore un peu, et il partait pour Vienne, et le Vieux venait reprendre son loge- ment ordinaire à Schœnbrunn ! Si on eut fait, en ce mo- ment, le moindre bruit à la porte de la salle du festin, on eût cru voir entrer l'homme à la pâle figure !.... 11 se fit, à celle nouvelle, un grand silence de stupeur.