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VOYAGE A VIENNE. 131 et diront comme ce lion de Lafontaine : Nous ne savons pas peindre! Dans ce beau jardin, tout en face du palais, ce n'est pas l'empereur qui règne et gouverne; ce n'est pas sa résidence qui attire les regards; ce n'est pas l'œuvre du grand statuaire ; ce n'est pas même M. de Metternich qui commande, lui pour- tant qui commande partout en Autriche : c'est bien un autre Prince, ma foi! C'est le premier pouvoir de l'état, c'est Strauss~le-Grand\ C'est la musique, c'est la valse toute puissante souveraine en ce pays. Jamais la grande impéra- trice, comme ils disent, ne gouverna de si haut ! J'aurai d'autres occasions de montrer combien le bon peuple de Vienne est amusable, et combien il se lient pour pleinement amusé par la musique et la danse ; mais je ne veux pas perdre une occasion de le dire: car je ne le dirai jamais assez, et j'en désespère ! La grande préoccupation quotidienne de cette excellente capitale, ce n'est point le drame nouveau, la publication nouvelle, la représentation de la veille ou du soir, les bruits de bourse, le fait annoncé par un journal, la mesure prise ou à prendre par le gouver- nement : il s'agit bien de cela et de tous ces intérêts sérieux qui nous agitent, nous autres, peuples maussades et constitu- tionnels ! — Avez-vous entendu Tanner (il vivait quand j'étais à Vienne) ? Où joue Strauss ce soir ?—Voilà la question, voilà l'affaire du jour et de la nuil, de tous les jours et de toutes les nuits! Étonnez-vous donc maintenant que Marie- Louise, qui était bien autrichienne, n'ait pas pu résister au désir de voir un bal où on fêlait sa chute du trône de France ! Oui, Strauss et Lanner ont leur mérite; oui, la valse a son charme, sa verve bondissante, ses élans capricieux, ses piquantes agaceries : il faudrait être bien abandonné de Dieu, des hommes... et des femmes pour le nier! Me pré-