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92                 ROME AU SIÈCLE D ' A U G B S T E .
édifice qui domine tout, et semble se dresser pour promener autour
de lui des regards de maître, et voir au loin ce qui se passe dans
l'univers (Lettre III, page 236). »
    Un mérite que possède à un degré éminent l'auteur de ces judi-
cieuses lettres historiques, et dont la critique se doit vivement pré-
occuper, parcequ'il révèle surtout cet art de la composition si dif-
ficile et si rare, c'est l'adresse avec laquelle se trouvent reliés les
souvenirs et les traditions qui se rattachent à un seul monument.
Je vais citer un passage qui pourra donner un exemple de cette
qualité et en même temps faire connaître le caractère habituel du
style de M. Dezobry. Il s'agit d'une visite au Capitole :
     « Le vaste péristyle qui précède l'entrée du temple proprement
dit, est orné de neuf statues d'airain, placées dans les espaces du
premier rang de colonnes ; sept représentent les anciens rois de
 Rome ; la huitième est celle de Brutus, le vainqueur de la tyrannie ;
 et la neuvième, image de Jules-César, lui fut décernée après la fa-
 meuse victoire de Munda, parles sénateurs, sur la proposition de
 Décimus Brutus, qui voulait par là tendre un piège à l'oppresseur
 de la liberté. Par un hasard qui a quelque chose de fatal, la statue
 de César se trouve auprès de celle de l'ancien Brutus qui, pour
 avoir chassé les rois , est représenté une épée nue à la main.
 N'était-ce pas une menace au dictateur, un avertissement qu'à Rome
 il se trouverait toujours un Brutus pour abattre la tyrannie? »
    Formons un vœu : c'est que les archéologues de France rencon-
 trent souvent ce langage éloquent et ferme, et que le style, appliqué
 aux arts et à la science, conserve cette clarté simple al cette va-
 riété toujours correcte, dont les grands maîtres ont fait l'apanage
 distinctif de notre idiome. SI n'est pas précisément nécessaire d'être
 ennuyeux ou inintelligible parcequ'on est érudit, et il y a place pour
 la langue spéciale de tous les ails, lorsqu'ils s'élèvent, dans cette
 langue populaire, noble et flexible, profonde et infinie, qu'ont par-
 lée, avec une perfection si diverse, les Fénelon et les Montesquieu,
 les Buffon et les Winckelmann.
   Du reste, la supériorité que nous accordons à la partie descrip-
tive de cet excellent écrit, ne doit rien faire préjuger contre les
autres parties dont il se compose. Le goût peut avoir ses préfé