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LA CÈNE. 65 reçu du pinceau de M. Janmot une égale dose de vie et. de réalité. Cette variété des figures donne au drame une animation que le sujet rendait difficile à obtenir; tous les personnages sont calmes et immobiles, et cependant l'action du tableati est saisissante. C'est là le résultat le plus élevé de l'art, il doit placer le sujet dans des conditions d'éternité , et rejeter pour cela tous les mouvements violents ; et pourtant, dans ce parfait repos, il doit faire sentir non seulement la vie en elle-même, mais une action déterminée. Les Apôtres sont assis, leurs pieds et leurs mains reposent, et cependant qui uierait devant ces figures l'évidence du drame divin qui s'agite entr'elles? C'est précisément cette absence de mouvements, de gestes dramatiques qui nous fait trouver la donnée qu'a choisie le peintre lyonnais plus monumentale comme elle est plus religieuse que celle de LéODard. Chaque figure d'apôtre mériterait une étude à part; celle qui est placée à la droite de saint Pierre et que l'on reconnaît bien vite pour saint Matthieu le publicain a un grand caractère de réalité, c'est tout l'opposé de la beauté conventionnelle que reproduisent les peintres sans originalité. Le rude plébéien porte sur sa face une foi ferme ; cependant il a raisonné, il semble écouter la parole du Christ dans sa propre conscience et la comparer à une parole intérieure; il a eu Parue saisie par la vérité, par la justice plutôt que par l'amour. Tout au contraire l'apôtre suivant, dont on voit seulement le profil peint avec le coloris le plus pur et le plus délicat, paraît abîmé tout entier dans une piété tendre; il n'a pas une pensée qui ne soit toute d'adoration, celui-là a entendu la parole avec le cœur. Entre ces deux figures, on aperçoit s'éloignant de la table eucharistique, le traître Judas, dont la face quoique sinistre conserve peut-être trop de grandeur ; peut-être aussi le sujet eut-il comporté l'absence complète de ce personnage .Une attention grave et pleine de respect siège sur le profil bronzé de l'apôtre qui occupe le bout de la table du même côté; d'après un usage de la peinture primi- tive, il porte son nom écrit sur le bord de sa robe; c'est Thomas qui fut tardif à croire, le peintre a bien rendu cette hésitation de l'intelligence qui n'exclut pas une profonde, vénération. La figure suivante est pleine de grandeur et d'énergie, c'est peut-être celle 5