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             DU GÉNIE LITTÉRAIRE DE L'EUROPE.               489

lasquez, Murillo, dignes émules de l'art italien, prodiguaient
leurs couleurs les plus suaves à ces palais el à ces cloîtres
destinés, hélas! à servir de tombeaux à la gloire antique
de l'Espagne, achetée au prix de tant de sang ! Richesses
intellectuelles el matérielles, tout vint s'y engloutir, s'y
consumer ; les chaînes d'un odieux despotisme s'étendirent
jusque sur l'Italie ; le bon goût, la saine littérature périrent
avec la liberté : l'horrible inquisition leva la tête et écrasa
la dignité humaine !
   Détournons nos regards de ces tristes images, et portons-
les maintenant vers le nord de l'Europe qui, relranché dans
sa fierté inculte, nourri de ses fortes pensées, de ses éner-
giques conceptions, avait depuis longtemps formulé ses ora-
cles dans un style plein de verve et d'éclat. Du nord étaient
partis ces chefs qui avaient conquis la Rome païenne, et
vengé, par la dévastation, le long asservissement des peuples ;
du nord partit la première résistance aux envahissements de
Rome chrétienne, quand, méconnaissant sa mission, elle
voulut enchaîner les consciences. L'Allemagne, dotée par
Gutemberg de l'art sublime qui fixe la pensée et la répand
aussi prompte que l'éclair, l'Allemagne, appelée par Copernic
à sonder les mystères du ciel, avait protesté avec Luther en
faveur de l'indépendance humaine ; et la Bible, révélée à
tous, retrempait les intelligences ; et des hymnes, pleins d'un
saint enthousiasme, épuraient et réchauffaient les cœurs.
L'Angleterre, riche de ses traditions celtiques, germaniques
et normandes, forte et compacte dans sa diversité féconde,
douée de cet esprit persévérant qui triomphe de tous les
obstacles, avait suivi et dépassé l'Allemagne dans son élan
vers les sciences et les lettres. Aux accents harmonieux mais
vagues de l'ardent Surrey , du fantastique Spencer, avait
succédé tout-à-coup la voix mille el puissante deShakspeare.
Génie unique et comme prédestiné à sonder du regard les