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les bouches altérées l'urne de ses chants, afin que tous y
puissent étancher, ou, tout au moins, rafraîchir leur soif.
   « Cependant, si le inonde offre au poète des spectacles
dignes de loucher son ame et d'éveiller sa compassion, il lui
présente aussi le tableau de turpitudes bien faites pour al-
lumer sa colère et armer sa main indignée du fouet dont le
Christ châtiait les vendeurs du temple.
   « L'iambe dicté à M. de Laprade par ce sentiment de ré-
pulsion instinctive qu'inspire à toute ame éprise d'idéai,
T'esprit mercantile du temps, et toutes les hontes qui en dé-
coulent, cetiambe, bien qu'il marche d'un pas animé, et qu'il
étincelle de beautés nombreuses, parmi lesquelles il faut citer
ces quatre vers :
       0 toi, parole ! ô voix qui féconde et qui crée,
            Parole, ô don terrible et grand,
       Part de Pâme divine à l'homme conférée,
            Parole, un des noms que Dieu prend !
 Malgré de pareils vers, aussi arlistement faits qu'énergique-
 nient conçus, cet ïambe, dis-je, n'est pas, à mon gré, la plus
 remarquable partie du poème. Quant au fond, d'abord, je
 crains que l'auteur, qui avait cependant à parcourir un assez
 vaste champ d'infamies, n'ait, un peu inconsidérément, cédé à
la pente de son indignation, et ne se soit élevé contres des
scandales imaginaires, Dieu merci, lorsque, par exemple, il
parle du poète qui se loue à tant l'orgie, et du pontife qui
vend sa foi. Et puis on le reconnaît vite, ce ton d'ardente dia-
tribe n'est pas naturel à M. de Laprade, et quand il a rempli
ce pénible ministère d'invectives, se repliant épuisé sur lui-
même, il s'écrie d'une voix dont l'accent ému trahit bien naï-
vement les instincts de son ame :
        Ali ! même en servant Dieu, que la colère est rude !
  « Je regrette de ne pouvoir multiplier les citations, car l'on
verrait à quelle langue harmonieuse, limpide, colorée, M. de
Laprade confie l'expression de ses pensées ; mais les courts
extraits qu'on vient délire suffiront aux esprits intelligents pour