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340 les bouches altérées l'urne de ses chants, afin que tous y puissent étancher, ou, tout au moins, rafraîchir leur soif. « Cependant, si le inonde offre au poète des spectacles dignes de loucher son ame et d'éveiller sa compassion, il lui présente aussi le tableau de turpitudes bien faites pour al- lumer sa colère et armer sa main indignée du fouet dont le Christ châtiait les vendeurs du temple. « L'iambe dicté à M. de Laprade par ce sentiment de ré- pulsion instinctive qu'inspire à toute ame éprise d'idéai, T'esprit mercantile du temps, et toutes les hontes qui en dé- coulent, cetiambe, bien qu'il marche d'un pas animé, et qu'il étincelle de beautés nombreuses, parmi lesquelles il faut citer ces quatre vers : 0 toi, parole ! ô voix qui féconde et qui crée, Parole, ô don terrible et grand, Part de Pâme divine à l'homme conférée, Parole, un des noms que Dieu prend ! Malgré de pareils vers, aussi arlistement faits qu'énergique- nient conçus, cet ïambe, dis-je, n'est pas, à mon gré, la plus remarquable partie du poème. Quant au fond, d'abord, je crains que l'auteur, qui avait cependant à parcourir un assez vaste champ d'infamies, n'ait, un peu inconsidérément, cédé à la pente de son indignation, et ne se soit élevé contres des scandales imaginaires, Dieu merci, lorsque, par exemple, il parle du poète qui se loue à tant l'orgie, et du pontife qui vend sa foi. Et puis on le reconnaît vite, ce ton d'ardente dia- tribe n'est pas naturel à M. de Laprade, et quand il a rempli ce pénible ministère d'invectives, se repliant épuisé sur lui- même, il s'écrie d'une voix dont l'accent ému trahit bien naï- vement les instincts de son ame : Ali ! même en servant Dieu, que la colère est rude ! « Je regrette de ne pouvoir multiplier les citations, car l'on verrait à quelle langue harmonieuse, limpide, colorée, M. de Laprade confie l'expression de ses pensées ; mais les courts extraits qu'on vient délire suffiront aux esprits intelligents pour