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180 J'y suis de ses pensers la trace fugitive ; Chacun de ses accords semble les exhaler: Elle est comme une langue amoureuse et plaintive Que nul, hors nous, ne sait parler. Souvent, quand sur mon cœur tout bas elle résonne Et qu'à travers le soir mon regard l'entrevoit, Je leur dis: elle est là ... regardez ! mais personne Ne l'entend ni ne l'aperçoit. Ah 1 c'est qu'en son empire on aime le mystère ;. Il rend l'amour plus vif et le bonheur plus doux ; Puis, on est si méchant sur cette pauvre terre, Et son amant est si jaloux ! Eh, bien ! si la beauté fuit le souffle du monde, Si tu n'oses de l'aile en effleurer le sol, De crainte d'alourdir de sa poussière immonde La légèreté de ton vol ; Ou, si tel est du sort l'arrêt irrévocable, Que tu ne doives plus y rester avec moi, Pourquoi dans cet exil où le regret m'accable^ Pourquoi me laisser après toi? N'est-il pas, au dessus des ombres de la vie, Quelque plage secrète ouverte à notre amour ? Quelque asile ignoré du souffle de l'envie Et des regards brûlants du jour?