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               SABINE.                    tion. Je ne puis souffrirM.Sper-
   (à part) Hélas !                       ling. II s'attache à vous comme
                                          une bardane, il babille comme
          MADAME STAAR.
                                          une pie.—Bref, c'est un sot.
   Le jour de tes noces je te le
prêterai, ou même dès demain à                      MADAME STAAR.
tes fiançailles, (elle met lepor-            Eh ! eh ! mon enfant, que d.'s-
trait dans sa poche).                     tu ? retiens ta langue ! J'ai déjà
               SABINE.                    entendu bien des jeunes filles se
                                          moquer de ceux qu'elles se trou-
  Non, non. J'aime mieux no               vaient bien heureuses d'accepter
jamais le porter ; mais aussi             lorsqu'ils se présentaient.
point de fiançailles.
                                                          SABINE.
          MADAME STAAR.
                                             J'aime mieux rester fille.
   C'est bien, Sabine, fais la pré-
cieuse, verse une petite larme,                     MADAME STAAR.
cache-toi. C'est de la pruderie.             Eh ! mon Dieu ! que peux-tu
J'en ai fait autant jadis. Aujour-        reprocher à M. Sperling? N'a-
d'hui les jeunes filles regardent         t-il pas un beau titre (t)? n'est-il
leurs amoureux dans les yeux et           pas inspecteur des ponts et chaus-
parlent d'un contrat de mariage           sées.
comme d'une recette pour les                             SABINE.
tourtes aux amandes. C'est tout
au plus si elles se trouvent un              Cela m'est bien égal.
peu mal à la bénédiction nup-                       MADAME STAAR.
tiale.
                                             Ses parents ne sont-ils pas
               SABINE.                    d'honnêtes gens ? Son grand-
 Mais, pour moi, chère grand-             père s'est même assis au Con-
maman, ce n'est pas de l'affecta-         seil.

   (1) Le goîit des tilres est une manie en Allemagne. Voici ce que Jean-
Jacques Rousseau dit des Neufcliâlelois qui parlagent ce ridicule : « On peut
y porter (le pays de Neufcbàtel) un grand nom sans mérite; mais non pas un
grand mérile sans nom. A défaut de dignités et de titres de noblesse, ils
oni des litres auxiliaires ou municipaux en telle abondance, qu'il y a plus de
gens titrés que de gens qui ne le sont pas. C'est M. le Colonel, M. le Major,
M. le Capitaine, M. le Lieutenant, M. le Conseiller, M. le Chàlelain, M. le
Maire, M. le Justicier, M. le Professeur, M. le Docteur, M. l'Ancien. Si j'avais
pu reprendre ici mon premier métier, je ne doute pas que je n'y fusse M. le
copiste. Les femmes portent aussi les litres de leurs maris : Mme la Conseillère,
M me la Ministre; j'ai pour voisine Mme la Major; et, comme on n'y nomme les
gens que par leurs litres, on est embarrassé comment dire aux gens qui n'ont
que leurs noms, c'est comme s'ils n'en avaient point.
                                   Lettre à M. le Maréchal de Luxembourg.