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72 Et il ne faut pas dire que nous ne puissions aimer Dieu parce qu'il est trop au-dessus de nous. Car, loin que les perfections de la personne que nous aimons soient un motif d'indifférence et d'éloignement, elles sont, au contraire et proportionnellement, une cause directe de l'amour que nous avons pour elle. Les trop grandes vertus d'un père, la trop vive tendresse d'une mère, la trop grande beauté de l'épouse, sont-elles des motifs qui nous les fassent moins aimer? L'amour que l'on ressent pour ce qu'on aime, loin d'être en raison inverse, est en raison directe de ses perfections; plus ce qu'on aime est parfait, plus il nous embrase, plus nous voudrions nous unir à lui et prendre avec ardeur ses inté- rêts. Car il ne faut pas oublier que l'union est un effet de l'amour, que l'on se considère avec l'objet aimé comme un tout dont on n'est qu'une partie, et que l'on rapporte telle- ment les soins et les attentions qu'on a pour soi-même à la conservation de ce tout, que l'on met entièrement son cœur dans l'objet aimé; qu'en un mot l'on aime ses perfections comme si elles étaient les nôtres propres. C'est ainsi que les biens et les perfections de l'objet aimé font notre bonheur; or, comme l'homme aime son bien-être plus que son être, il aime l'objet aimé plus que lui-même. De sorte que l'amour de Dieu devient naturellement le plus vif et le plus enivrant de tous nos amours. Pour vous excuser, vous ne pouvez donc pas vous plaindre de ce que vous n'aimez pas, puisqu'on ne vous surprend par- tout qu'à aimer. Mais voilà : c'est que vous n'aviez jamais assez réfléchi à ce que c'est que Dieu ! car je viens de vous prouver qu'au fond vous ne cherchez et vous n'aimez que lui. Si nous pouvions voir Dieu comme il est ! Dieu est tout ce qu'il y a de plus beau, de plus doux , de plus tendre, de plus séduisant, tout ce qu'il y a de plus en sympathie avec notre nature. Ah S si Dieu n'était pas si plein de douceur et de simplicité, vous