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61 Ta sienne? La partie impersonnelle du cœur, à laquelle nous avons laissé ce nom pour la distinguer de la volonté, serait- elle moins certaine que la partie impersonnelle de la raison, à laquelle nous avons laissé le nom de rationnalité, pour la distinguer de l'intelligence? Si, comme le rayon de lumière qui s'adresse à la raison, le sentiment d'amour qui s'adresse au cœur, vient de Dieu, ne sont-ils pas l'un et l'autre aussi divins, c'est-à -dire aussi infaillibles comme révélation de l'être qui se manifeste à nous par leur moyen ? Devons-nous croire que Dieu traite moins bien le cœur, qui doit le posséder, que la raison, qui ne doit que le connaître; qu'enfin il traite moins bien notre cœur, qui est le but de la raison, que la raison, qui est un moyen donné à notre cœur? Mad. de Staël dit qu'en Allemagne les philosophes regar- dent le sentiment comme le fait primitif, le fait fondamental de l'ame; et la raison, comme destinée seulement à recher- cher la signification de ce fait. Je crois qu'en retranchant de cette proposition ce qui pourrait s'y trouver d'exclusif, il faut entrer dans ces vues. Maintenant donc qu'on a interprété la voix de la raison, il reste à interpréter la voix qui parle dans le cœur. Eh! quelle langue peut se faire entendre dans notre nature impersonnelle, que celle que Dieu lui-même y parle ? Or, quelle autre bouche saurait mieux nous entretenir de lui ? Ici cependant une chose me surprend : Pourquoi le cœur a-t-il quelque chose de plus intime que la raison ? d'où vient que l'on est toujours prêt à ouvrir sa raison, tandis qu'on ne peut se résoudre à ouvrir son cœur si l'on ne voit autour de soi des oreilles discrètes et de la sympathie? Ah ! c'est que réellement je crois que le cœur doit nous révéler sur Dieu quelque chose de plus intime. Le cœur, par nature, est tout craintif; on dirait qu'il éprouve une espèce de pudeur à parler de ce qui lui semble devoir rester dans le mystère.