page suivante »
28 Hélas ! sur les derniers mois de sa grossesse, ce n'était point, il faut le dire, sa beauLé qui la faisait poursuivre; mais c'étaient ses nombreuses seigneuries qui tentaient les comtes et hauts barons du pays. Car elle avait cessé d'être belle , et tous les agréments de son esprit avaient en même temps disparu. On peut direaussi qu'elle avait cessé d'être bonne. On ne parlait plus de ses donnes habituelles aux portes du château , et tous les paysans du Jarez ne reconnaissaient plus en elle la charitable dame d'autrefois. On ne la voyait même en aucun lieu. Du jour , elle faisait la nuit. Elle s'enfermait dans des appartements drapés de noir avec son prie-Dieu et une statue de l'enfant Jésus , son livre d'heures ouvert à l'endroit des prières pour les morts. Il n'y avait d'hospitalité au manoir que pour les voyageurs éga- rés dans les neiges cl jamais plus pour les trouvères. Les droits seigneuriaux, tels que ceux de la Leyde et de la Foire, ceux de justice haute , moyenne et basse, enfin, les tailles se percevait, tout avec une dureté sans pareille. C'est que la clame de Jarez n'était plus à elle. Celle mort du comte et les préoccupations d'unegrossesse sinistre l'avaient totalement changée. * Elle s'élait surprise avec des appétits désordonnés qu'elle n'osait s'avouer à elle-même, el plus elle les contrariait, plus leur activité redoublait. Or, elle en était dévorée. Rongée par cette faim atroce , elle refusait pourtant toule espèce d'ali- ments. On dressait autour d'elle des tables où la succulence des mels ne laissait rien à désirer. — J'ai faim !•... j'ai faim ! j'ai cependant trop faim ! /... répétait-elle sans cesse, d'un son de voix altéré et d'un air tantôt hagard tantôt doux el mélan- colique. — J'ai faim !j'ai pourtant trop faim ! ! On n'avait que cela d'elle, et tous ces apprêts si excitants ne faisaient que lui soulever le cœur et provoquer des vomissemenls. Elle mourait donc de faim , au milieu de loulce qui pou- vait apaiser son besoin cruel. On voyait bien qu'elle se serait