Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                               25
dame aussi accomplie que la sienne, était au-dessus de ses
forces.
   Il n'y avait pourtant pas à reculer. Le Bénédictin lui avait
fait jurer sur les saints évangiles qu'il se rendrait en Terre-
Sainte combattre le diable qui, selon l'expression de l'époque,
s'y était déchaîné.
   Aussi, le comte avait pris l'air soucieux. Les messages se
succédaient au château. Les garde-notes apostoliques allaient,
venaient avec les tabellions; on procédait à des enrôlements, à
des achats d'armes , à des criées , et le tout sans que la belle
châtelaine osât s'enquérir de tout ce fracas.
   Elle ne l'osait, faute de bonne nouvelle à donner au comte,
nouvelle qui la rendît hardie et questionneuse ; et comme ce
remuement était loin de finir, ayant cette fois motif de parler
et une bonne annonce à faire :
   — Comte^ dit-elle à son mari, je devais être trop humble
pour entrer auparavant en explication ; mais à présent que
Notre-Dame de Val-Fleuri a exaucé vos vœux et les miens ,
qu'il me soit permis de vous demander la cause de toute cette
agitation dans vos domaines ? Votre tristesse s'explique; mais
ce remuement général d'hommes d'armes est incompréhen-
sible pour moi. Louez Dieu ! vous pouvez désormais compter
sur un héritier. Ne puis-je savoir de vous maintenant ce que
signifient tant de nouvelles choses arrivées depuis peu au
château ?
    — Ame de ma vie , répliqua le comte , la joie que vous me
causez est ineffable, et mon cœur ne pourrait y suffire si je
n'avais rien de triste à vous apprendre. La prédiction de
l'ermite s'est accomplie ; vous serez mère et je serai croisé,
enrôlé pêcheur d'hommes et je pars pour DamieUe.
    — Je m'explique alors tant de préparatifs que votre pru-
dence me taisait , reprit la noble dame toute émue ; mais
j'irai me rouler aux pieds de l'ermite, je vous rachèterai. Blan-
che de Castille , qui lutte elle-même pour retenir le roi son
fils, me secondera et vous ne quitterez pas la terre de France.