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V50                  LE DOCTEUR CHERVIN.

   Le temps a marché depuis ces événements ; mais, au mi-
lieu des intérêts matériels où l'esprit humain s'est engagé,
la science, restée fidèle à ses éludes, a continué ses tra-
vaux ; chaque année, chaque jour apporte de nouveaux ma-
tériaux pour la solution de la question soulevée par Chervin,
et pendant qu'en France, l'opinion qui avant lui était si forte-
ment prononcée pour la contagion incline sensiblement dans
le sens contraire, dans le Nouveau-Monde et dans les Etals
du nord de l'Europe, la non contagion est devenue l'opinion
dominante. La science est donc préparée a la solution de ce
problème. Chervin s'était flatté de l'espoir de l'obtenir de
haute lutte. Il attendait ce résultat de ses premiers efforts, el
surtout de la publication d'un grand ouvrage qu'il avait en-
trepris sur celte matière. Mais ce travail devait remplir cinq
volumes in-4°, et la modicité de ses ressources ne lui permet-
tait pas d'en poursuivre l'impression. Avant 1830, un minis-
tre qui l'avait vu à l'œuvre et qui l'appréciait, lui avait pro-
mis le concours de l'Etat. Mais une révolution passa, et em-
porta dans son tourbillon le protecteur de Chervin. Depuis
cette époque, de plus grands intérêts ont suspendu cette pu-
blication, que la science et l'économie politique attendent
avec impatience.
   Les travaux de Chervin, ses voyages, une coûteuse polé-
mique, avaient épuisé sa fortune, et cependant il voulait en-
core aller en Egypte étudier la peste et ses modes de propa-
gation ; déjà même il avait appris la langue arabe et il se
disposait au départ : mais sa santé aussi s'était épuisée dans
la lutte ; les veilles, les fatigues avaient usé sa vie, et, plus
d'une fois, il s'était senti profondément blessé de l'injustice de
ces antagonistes, qui étaient allés jusqu'à suspecter ses con-
victions et mettre en doute la loyauté de ses documents. Mi-
nées sourdement par une maladie de cœur, ses forces s'af-
faiblissaient ; mais son énergie morale, toujours la même.