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•V36   GRUMET, CURÉ D ' A M B É R I E C X ET J.-J.   ROUSSEAU.

le sert depuis vingt ans avec l'attachement d'une fille à son
ptrc... Je souhaite qu'elle passe ses jours dans une honnête
indépendance, et qu'elle ne serve personne après moi. »
En terminant celte lettre, Rousseau lui demande réponse et
le prie d'affranchir sa lettre jusqu'à Pontarlier. Il finit par ces
mots : « Je sens toute mon indiscrétion, mais où je me trompe
fort, où vous ne regretterez pas de payer le plaisir de faire du
bien. »
   Le curé d'Ambérieux fit à Rousseau une réponse satisfai-
sante. On en peut juger par la troisième lettre qu'il lui écrivit
de Moutiers-Travers, le 15 décembre 1763. Après l'en avoir
remercié, il lui dit qu'il ne prévoit pas encore le moment où
M lle Levasseur pourra profiter de ses bontés ; que sa santé
est toujours mauvaise, et que dans le cas où il viendrait à
terminer ses jours, elle lui écrira. « Tandis qu'elle sera oc-
cupée, ajoute Rousseau, à recueillir ici mes guenilles, vous
pourriez concerter avec elle les moyens de faire son voyage
avec le plus d'économie et le plus commodément            Je suis
tranquille sur le sort de celle pauvre fille ; je n'ai plus rien
qui m'inquiète sur le mien, et je vous dois en grande partie la
paix donl je jouis dans mon trisle état. » Rousseau termine
en exprimant au curé d'Ambérieux le désir qu'il aurait d'em-
brasser un jour « un aussi digne officier de morale ; c'est ainsi,
ajoute—t—il, que l'abbé de St-Pierre appelait ses collègues les
gens d'église. »
   Ces lettres peignent bien le caractère de Rousseau, et font
connaître la bonté de son cœur. Elles sont imprimées dans la
collection de ses œuvres, et furent après sa mort envoyées par
le curé d'Ambérieux à l'éditeur. L'abbé Grumel me les avait
fait voir longtemps auparavant. Il m'avait aussi communiqué
celles qu'il lui avait écrites. L'on doit regretter qu'il ne les ait
pas rendues publiques avec celles que lui écrivit le philosophe
genevois.
                                         J.-B.   ROUYEU.




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