Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
  VERS D'EMILE DESCHAMPS.


             MOLIÈRE A LOUIS XIV.

Puisque dans cet Olympe, où nul ne se dérobe,
Minisires et savants, gens de cour et de robe,
Poètes et guerriers, artistes et prélats,
Rudes marins, toujours à l'œuvre, et jamais las,
Et beautés sans seconde, ou Ninons, ou duchesses,
Laissant voir plus de grâce encor que de richesses,
Tous, émules d'éclat, font, tous, escorte au roi,     '
Soleil qui ranima Tartuffe en désarroi,
Sire, qu'il soit permis à Poquelin Molière
D'exhaler une plainte, à son cœur familière.
Dans le bon temps passé, les pauvres rois des arts,
Sous leur divin laurier, couraient de grands hasards ;
Et, quoique élus du ciel, et de race bénie,
Il n'était pas prudent d'être hommes de génie.
L'adversité bientôt à leur sort s'accouplait ;
Témoin la poésie, art suprême et complet,
Peinture qui se meut et musique qui pense.
D'âge en âge, à grands pas, suivons sa récompense :
Homère, sans amis, sans foyers et sans yeux,
Mendiant sous le ciel qu'il a peuplé de dieux ;
Sophocle, du poète auguste et sombre type,
Par ses fils, à cent ans, détrôné comme Œdipe;
Lucrèce, mon vieux maître, à bout de trahison,
Des mondes qu'il chanta n'exigeant qu'un poison ;
Ovide, sans se faire entendre d'un seul homme,
Des pleurs de son exil immortalisant Rome;
D'un laurier dangereux le front paré, Lucain
Faisant boire à Néron son sang républicain ;
Sénèque, dominé par son ame énergique,
Lo sourire à la bouche enlrant au bain tragique ;