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                  MADEMOISELLE DE MAGLAND.                        133
sance ; leur cœur voit plus loin que leurs yeux ; Marie avait deviné
plutôt qu'elle n'avait vu l'état de grossesse d'Alix, et, malgré son
excellente nature, elle ressentit un mouvement de haine qui fit tairo
momentanément son désespoir ; elle avait cru avoir épuisé la souf-
france jusqu'à la lie, et s'étonna de trouver encore tant de fiel au
fond du calice. — Alix mère ! c'était la seule idée cruelle qui ne se
fut pas encore présentée à son esprit. —Grand Dieu ! s'écria-t-elle,
en se jetant dans les bras de Sara, c'était donc à elle qu'était ré-
servé le bonheur d'aimer un être qui tiendra l'existence de Raoul !
Hélas ! la Providence savait que toutes mes forces n'auraient pas
suffi pour l'aimer assez! heureuse femme, qui porte son nom, qui
s'avaDce dans la vie fière et tranquille sous cette égide de bonheur !
Qu'il m'a fallu de courage pour ne pas donner à l'orgueilleuse
le spectacle de mon désespoir jaloux ! Souffrances misérables ,
qui humilient mon cœur en même temps qu'elles le déchirent!
— O Sara ! venez en aide à ma faiblesse ! la vue de cette odieuse
femme a fait saigner toutes mes blessures ! elle jouit de tous les
biens qui m'étaient promis; elle va vivre où je suis née, où j'ai été
aimée ; elle profane de sa présence le nid de mes rêves envolés ;
elle est la femme de Raoul! Oh! cette femme me fera comprendre
la haine ! — Sara usa de tous les moyens que lui suggéra son amitié
pour calmer ce nouveau paroxisme de douleur, et ne quitta plus
Marie jusqu'au moment du départ.—Le lendemain, une voiture atten-
dait à la porte du Pré-de-Vert les tristes voyageurs qui ne pouvaient
s'arracher des bras de leurs amis. — Nous irons passer l'hiver
auprès de vous, disait M. O'Kennely à M. de Malvignane; plus lard
nous irons en Italie ensemble, nous nous quitlerons le moins pos-
sible. — Adieu , disait Auguste, en serrant les mains de Marie ;
adieu ! et sa voix oppressée trahissant son émotion, il s'approcha
de Beppo qui semblait comprendre la douleur de tout ce qui l'en-
tourait, et baisa sa bonne grosse tête sur laquelle il laissa tomber
plus d'une larme. — Ce pauvre animal est triste aussi, dit Marie,
ce sera le seul ami que j'aurai là-bas. — Enfin, il fallut se séparer,
les chevaux s'élancèrent au galop ; Marie se pencha à la portière
pour envoyer un dernier adieu à ses amis restés muets et immo-
biles à la place où elle les avait laissés. Tant que la voiture par-