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436                 VOEU A LA POÉSIE.

  Gardons bien le dépôt des mystiques accords,
  Soyons au monde épais ce que l'ame est au corps.
  Dans l'arche avec amour sauvons le peu qui reste
  Du boisseau réservé de la manne céleste,
  Et portons devant tous, dans l'orageuse nuit,
  La lampe aux sept clartés dont la flamme nous luit.
  Des parts de notre cœur conservons la meilleure
  Pour tout ce qui gémit dans l'ombre, attend et pleure;
  Souvenons-nous des morts sans leur appartenir,
  Contre un lâche présent défendons l'avenir,
  Sauvons de ses tiédeurs la foi par qui l'on ose,
  Gardons la poésie enfin contre la prose.
  Le ciel a confié la lyre aux jeunes mains,
   Soyons jeunes longtemps parmi les vieux humains.


  Une ame qui s'abaisse aux vils sentiers du monde,
  Comme un air pur passant sur un marais immonde,
  Se trouble et s'épaissit d'atomes corrompus,
  Et les rayons d'en haut ne la traversent plus.
  Ne descendons pas, nous, des cimes odorantes
  Où volent sur les pins les abeilles errantes,
  Restons sur la montagne où leur miel est plus doux ,
  Où l'air, mêlé de feu, pénètre mieux en nous.
  Le monde est l'antre obscur, une eau si froide y glisse
  Qu'elle étouffe les fleurs, et noircit leur calice ;
  Quand son ombre grossière a trop longtemps pesé
  Sur le front du poète , il n'en sort que brisé.
  Oui, le cœur le plus chaud, frappé des noires gouttes
  Qui tombent lourdement des cristaux de ces voûtes,
  Comme les frêles fleurs, les fruits, les nids d'oiseaux
  Changés en durs cailloux au contact de ses eaux,
   Ce cœur ne garde rien de sa flamme première,