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364 DE LA FAUTE DE L'HOMME les voit, depuis Luther, prétendre que l'homme n'est pas la source de ses actes, que Dieu fait tout en lui, et qu'ainsi, obéissant à sa nature, il n'y a point de libre arbitre possible, conséquemment point de responsabilité. Ne perdez donc jamais de vue ces deux notions, vous qui pénétrez quelquefois sur le sol de la philosophie sans connaî- tre assez les bases de la métaphysique : l'homme se rattache à Dieu comme substance et s'en détache comme cause. C'est par la première de ces raisons que, recevant son être, il existe; c'est par la seconde que, formant sa personne, il mé- rite. Renversez ou oubliez l'une de ces deux propositions, et vous avez une erreur si vaste que Dieu, la création, et jus- qu'à la raison de l'homme viennent s'y abîmer. Où nous avons trouvé l'origine du mal, nous devions trou- ver l'origine de l'erreur. L'orgueil nous a ouvert de partout un chemin dans le néant : nous devions voir s'y écrouler la pensée après avoir vu s'y écrouler le cœur. Au reste, si toute l'erreur de la philosophie vient de ce manque de raison qui a produit l'empirisme, tout son mal vient de ce manque d'amour, dont l'absence, dans sa pensée, a produit cette bévue dans son ontologie. Or, une pareille absence dans son ontologie devra inévitablement reparaître dans sa morale. En effet, tout rationalisme, à l'instar de tout sensualisme, de tout idéalisme et de tout scepticisme, a constamment tenu la piété pour ennemie. De la meilleure foi du monde, il l'a prise en horreur, et se l'est mise à son index sous le nom pour lui fabuleux de Mysticisme. Le rationalisme voit-il une pensée dépasser la sienne, voit-il une philosophie non plus seulement énumérer les éléments de la raison, mais vouloir les mettre en usage ; voit-il, en un mol, une philosophie qui ne se borne