Revue du Lyonnais » série 1 - n°22 ( 1845 ) » pp.153

                  MADEMOISELLE DE MAGLAND.                       153

de Raoul se pencha à la portière, et vit, sur une pièce d'eau
entièrement gelée, Marie avec quelques jeunes gens du voisinage,
bondissant sur la glace et riant aux éclats de la maladresse de
M. de Blossac, provoqué par une petite espiègle de douze ans, qui
l'appellait, l'attendait, puis au moment où, chancelant sur ses
patins, il s'efforçait de l'atteindre, lui échappait en s'élançant à
l'autre bout de l'arène glissante. Mme de la Rochemarqué se retira
brusquement de la portière sans dire un mot, mais son fils pût
lire, sur sa physionomie et dans sa contenance, l'expression du plus
profond mécontentement.
   Le bruit de leur voiture ayant attiré M. de Magland, il s'em-
pressa de venir les recevoir, et les introduisit dans le salon où
quelques invités étaient réunis, et où Mlle Alix avait confié une
toilette éclatante aux moelleux coussins d'un large divan, la jupe
de sa robe soigneusement ramenée sur ses genoux. M. de Magland
s'empressa d'excuser sa fille de ne point se trouver à l'arrivée do
ses hôtes : — la pièce d'eau a gelé fort à propos cette nuit, et
Marie en fait les honneurs à une bande d'intrépides patineurs, dont
vous pouvez d'ici entendre les cris de joie. — Mme (je ] a Roche-
marqué, sans daigner répondre, se retourna du côté d'Alix qui
s'avançait avec empressement: — Je m'en suis voulue quelquefois
de n'avoir point osé essayer d'acquérir les talents de ma cousine,
mais je me félicite vivement aujourd'hui de ma poltronnerie, puis-
qu'elle me procure le plaisir d'être la première à vous souhaiter
la bienvenue au Genêt, dit-elle, avec un ton de respectueuse dé-
férence, merveilleusement calculé, pour plaire à la mère de Raoul ;
le coup frappa juste, car il amena sur les lèvres de Mme de la
Rochemarqué un sourire qui s'efforçait d'être gracieux. Sa mau
vaise humeur allait peut-être se dissiper, quand la troupe bruyante
des patineurs, Marie à leur tête, fit irruption dans le salon. Rouge,
et les cheveux un peu en désordre, Marie vint saluer M e de la
                                                            â„¢
Rochemarqué, avec un air gai, bon, confiant, qui aurait séduit tout
autre qu'une future belle-mère; mais elle fut subitement glacée
par le regard froid et dédaigneux qui l'accueillit, et, sans courage
pour le braver, elle s'apprêtait à sortir, quand M. de Malvignane
parut dans tout l'éclat d'une toilette de cérémonie. Son habit noir,