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MADEMOISELLE DE MAGLAND. 05 je n'en suis plus dupe, cette continuelle comédie m'ennuie au dernier point. — L'ennui te rend féroce, car jamais je ne t'ai vu si mé- chant. Cette conversation avait lieu tout en parcourant les allées si- nueuses et touffues du bois qui avoisine le Genêt ; nous nous étions arrêtés pour allumer un cigarre : — 11 me semble que j'enlends marcher ici près, dit Raoul, nous écoutait-on? Nous parcourûmes les allées adjacentes sans rencontrer personne; je tâchai de repren- dre la conversation où nous l'avions laissée ; je n'étais pas fâché d'ap- puyer mes propres observations de celles de Raoul. — Il est vrai que Mlle Alix est bien éloigflée de la grâce et du laisser-aller de Marie de Maglaud, mais je la crois bonne. — C'est-à -dire, répliqua Raoul, qu'elle possède au suprême degré cet entêtement paisible qui, pre- nant facilement l'apparence d'une douceur banale, d'une bienveil- lance passive, se fait accepter comme bonté, mais n'a rien de cetie sensibilité courageuse et active qui nourrit les profondes affections. Cette femme m'est profondément antipathique, et je l'avoue, puis- que nous en sommes aux confidences sur ce chapitre, que je suis fort inquiet de la manière dont les choses s'arrangeront à l'époque de mon mariage. M. de Magland désire que nous restions quelque temps avec lui, mais quand nous nous séparerons, Marie voudra-t- elle avoir sa cousine auprès d'elle, et, dans ce cas, comment m'y op- poser?Si elle m'est insupportable maintenant, que sera-ce donc quand il faudra vivre avec elle; elle a, d'ailleurs, des habitudes d'une vul- garité à laquelle il me sera impossible de m'habituer. Si elle n'était pas si avare, elle se ruinerait en toilettes calquées sur le Journal des Modes, et elle ne sait pas même avoir ces soins de sa personne qui sont de première obligation: je ne sais si je m'abuse, mais il me semble qu'on doit se méfier du caractère d'une femme qui ne paraît point incommodée d'être vêtue malproprement ou de respirer un air corrompu; à coup sûr, si ces femmes ne sont point absolument vicieuses, elles manquent au moins de cette délicatesse, de cette élégance, de cette grâce de l'esprit, qui sont au nombre des plus grands charmes dans la pratique, de la vie ; et comme si elle n'avait pas assez de défauts pour justifier mon antipathie, elle ronge ses* on- gles et sent le musc comme une Russe!—A l'énumération de ce der-