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460                    EXCURSION DANS LE MIDI.
   Quelques assassins ont pénélré dans la chambre; le maréchal debout, au-
 près de cette cheminée, découvre sa poitrine sans proférer un seul mol. Une
voix répète en sa présence l'infâme accusation qui sert de prétexte à la rage
d'une odieuse canaille.
   —Mon sang a coulé pour la patrie (répond-il à ses boureaux), j'ai vieilli
sous les drapeaux de l'honneur; et j'étais à soixante lieues de Paris, à l'épo-
que où fut commis le crime affreux dont on ose m'accuser. — Tu mourras,
interrompt un scélérat. — J'ai appris à braver la mort, reprit le maréchal,
et je puis vous épargner un crime; donnez-moi une arme, et accordez-moi
cinq minutes pour écrire mes dernières volontés. — La mort, cria l'assassin
en tirant sur le guerrier un premier coup de pistolet qui effleura son front et
lui enleva une touffe de cheveux. L'intrépide Brune croise ses bras, et at-
tend un second coup : le pistolet fait long feu.
    — Tu l'as manqué, dit alors un autre brigand; ôte-toi de là, c'est mon
tour; et d'un coup de carabine, un portefaix étend à ses pieds un maréchal
de France, fameux par vingt combats, et couvert des lauriers du Mincio, de
Véronne et de Tavernelle.
    Il était deux heures... Les infâmes brigands se précipitent dans la chambre»
et mettent au pillage les effets de leur victime, parmi lesquels se trouvait un
sabre de grand prix, que le maréchal avait reçu en présent du Grand-
Seigneur.
    Le meurtre consommé, un des assassins se montre au balcon le front paré
des plumes blanches qui décoraient le chapeau du général français.
    La meute des cannibales, assemblée sous ses fenêtres, pousse des hurle-
ments féroces, demande qu'on lui jette sa proie.
    Je crois vous avoir dit, en commençant cet horrible récit, que le corps
 inanimé du maréchal fut jeté par la fenêtre ; ce fait n'est pas exact : les
restes du héros furent placés sur un brancard pour être portés au cimetière.
Mais la rage des bourreaux n'était pas assouvie; à vingt-cinq pas de l'hôtel, les
monstres s'en emparèrent, et le traînèrent par les pieds au bruit du tam-
bour qui battait le pas de la Farandole, j usqu'à la neuvième arche du pont,
 d'où ils le précipitèrent dans le Rhône, après avoir déchargé toutes leurs armes
 sur un cadavre que de nouvelles horreurs attendaient au rivage où il fut jeté
par les flots.
    Les aides de camp du maréchal, décidés à mourir avec lui, étaient détenus
 dans une salle basse, où ils auraient infailliblement partagé le sort de leur
 général, si un jeune homme, de concert avec le maître de l'auberge, ne les
 eût soustraits à la rage des assassins et recueillis dans sa maison, où il les
 tint cachés pendant quelques jours. J'insiste d'autant plus volontiers sur ce