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DU COURS DE PHILOSOPHIE. 431 sont à peu près unanimes dans cette pensée que la philo- sophie n'est pas une science ésotérique mais une science exo- térique , c'est-à -dire que la philosophie peut et doit s'adres- ser au grand nombre , et non pas seulement à quelques in- telligences supérieures. Sans nul doute ils n'ont pas prétendu qu'une doctrine philosophique, quelque claire qu'elle soit, pût toujours immédiatement et sans transformation aucune devenir populaire. C'est par des gradations , c'est par un in- termédiaire que les doctrines philosophiques descendent du petit nombre au grand nombre. Cet intermédiaire entre les philosophes et la foule est la littérature. D'abord viennent les grands littérateurs qui s'inspirent de la pensée philosophique des écoles qui dominent dans leur époque , la reproduisent sous une autre forme, lui donnent un corps pour ainsi dire et la mettent dans les discours et dans les sentiments de leurs personnages et de leurs héros. Puis, après ces grands littéra- teurs, interprètes éloquents des principes de la philosophie contemporaine , d'autres paraissent , qui, doués d'un moin- dre génie dans des compositions d'un ordre moins élevé, et, sous des formes plus populaires encore, développent ces mêmes principes et achèvent de les mettre à la portée de tous. Ainsi, par des gradations successives plus ou moins nombreuses , plus ou moins lentes , suivant l'état général des esprits , suivant les temps , suivant la nature des systèmes et la forme de leur exposition primitive, la philosophie de l'é- cole devient la philosophie du monde et les principes m é - taphysiques revêtus d'une forme d'abord littéraire et ensuite populaire, passent peu à peu dans les idées communes. Ainsi arrive un jour où le peuple commence à penser ce que d'abord les sages seuls avaient pensé, à bien comprendre l'his- toire des systèmes de philosophie et des religions, on ne peut douter que, dans le passé, n'ait eu lieu cette diffusion populaire des vérités philosophiques. Mais alors même qu'elle