Revue du Lyonnais » série 1 - n°20 ( 1844 ) » pp.282

$8"2                  HENRI III A LYON.

que son ombre : ces marchans s'avisèrent de le mettre dans
le parti du sel ; et le tenans pour avaricieux, esperoient lui
faire entreprendre un voyage à Pequais ; mais l'offre du gain
n'aiant pas succédé, on l'attaqua par l'honneur, en lui pré-
sentant un voyage pour le roi en quelques villes hasiali-
ques, pour traiter un accord entr'elles et le duc de Brunsuich,
pour ce qu'elles soustenaient sa ville contre lui. La pipée de
l'honneur n'aiant pas mieux réussi que celle du profïit, il fa-
lut venir par la voie de la dévotion, cercher le confesseur du
sire, qui esloit le Gardien des Gordeliers, auquel ils parlèrent
comme se prenans à lui, de quoi un des plus apparents de
la ville desdaignoit la confrairie des Pénitents en la société du
roi mesmes ; allegans que cela pourroit le faire soupçonner de
sentir le fagot : comme ils pressoient le Pater d'alléguer de
telles raisons a sa brebis, le Confesseur les renvoia bien loin,
leur disant : A d'autres, Messieurs, nous sommes de Testât, et
plusieurs autres termes de mattois, sur lesquels le Comte se
mit à jurer: C'est, (dit-il), que le roi est amoureux de sa
femme, et qu'il n'y a moien de lui faire quitter la maison si
vous ne nous aidez ; mais faites-nous un tour de gallant hom-
me, el je vous apporterai cent doubles ducats à deux testes
dès demain pour expier le péché, et faire des aumosnes si se-
crettes que personne ne s'en apercevra. C'est, dist le Moine,
parler bon saint-François cela ; je vous l'amènerai au mon-
touer jeudi prochain, ce qu'il fit par une procession généralle,
et là, selon l'ordre de la confrairie, dont il se rendoil nou-
veau profès, il lui falut porter le croix : le roi et le comte
de Maulevrier se desrobenl du revestiaire par une porte que
leur ouvre le gardien, et vont à leur assignation. Nostre lion-
nois aiant traversé quelques rues, se mettant à ruminer dans
son sac, prit sa jalousie pour interprète de sa dévotion ; com-
mença à porter la teste plus basse que ne devoit un porte-
croix, et ses pensées mélancoliques s'accreurent tellement,