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IV e ET Ve SIÈCLES. 109 galères peintes les conduisissent du lac Averne à Pu- teoli (Pouzzole) ou à Caieta (Gaète), ils comptaient bien avoir fait des marches égales à celles d'Alexandre ou de César. Mais si quelque mouche importune venait, au milieu des éventails dorés, se poser sur les vête- ments de soie ; ou si le moindre rayon de soleil passait à travers le pavillon du navire, nos délicats navigateurs se lamentaient aussitôt de n'être pas nés chez les Cim- mériens. Allaient-ils aux bains de Silvanus ou bien aux eaux salutaires de Marnée, sur les délicieux ri- vages de Baia, ils portaient avec eux des vêtements qui auraient suffi pour environ douze personnes, et quand ils sortaient du bain, s'essuyaient le corps avec un linge d'une extrême finesse, choisissaient au grand jour un des vêtements plies sous le pressoir, remet- taient à leurs doigts les anneaux confiés à un serviteur, de crainte que l'humidité ne les altérât, et se retiraient pompeusement. Lorsqu'un étranger, même d'une honnête condition, était introduit auprès de quelque riche et orgueilleux sénateur, il se voyait bien reçu la première fois, avec de si vives protestations d'amitié, des questions si obligeantes et si pressées, qu'il se repentait de n'être pas venu à Rome dix ans plus tôt. Mais, sur la foi de cette affabilité menteuse, s'il reparaissait le len- demain, on ne le reconnaissait déjà plus; on hésitait longtemps à savoir qui il était, d'où il venait ; et si enfin il était admis à faire sa cour habituelle, il suf- fisait de trois jours d'absence, au bout de trois ans d'assiduités , pour qu'on n'eût de l'infortuné client aucune idée, aucun souvenir. S'il avait rendu quel-