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72                    CRITIQUE LITTÉRAIRE.
                  e
etc., etc., et M" de Marsan, l'une des conceptions les plus
dramatiques de notre auteur. Heureusement il ne songe plus
à rappeler et à juger les événements extérieurs, le monde
des faits, ce n'est plus de l'histoire, ou plutôt c'est de l'his-
toire pour la première fois; c'est un cœur qui se met à nu,
un long et attachant retour sur des amours de jeunesse, em-
bellis par l'éloignement et le souvenir ; ce sont de demi-réali-
tés poétisées par les réminiscences romanesques de l'adoles-
cence, et ornées aux dépens d'une imagination toujours char-
mante. Pour moi, je préfère ces Souvenirs de Jeunesse de
bien loin, aux autres romans de Nodier. C'est bien là dedans
qu'il excelle : son imagination n'est à l'aise qu'appuyée sur
sa mémoire. En lisant ces pages si délicates de touche, si
achevées d'exécution, si bien ménagées pour intéresser et
plaire, on ne saurait méconnaître la vraie supériorité de l'au-
teur de Trilby : l'art de conter. Ce n'est pas seulement par
le style que Nodier vivra, c'est aussi par celte faculté de saisir
les plus petites choses, par ce talent de s'y arrêter et d'en faire
sortir des tableaux délicats et ingénieux, c'est de triompher
surtout à relever des bagatelles, à se perdre dans les longues
digressions qui ne fatiguent pas, en ayant l'air de s'intéresser
autant que vous-même à son récit. Ses amis ont souvent
parlé des séductions de sa causerie, ils ont dit avec quel bon-
heur on allait l'entendre à cet Arsenal où il rajeunissait par-
fois en s'écoutant. Quand il écrit, il cause encore ; c'est en-
core le talent de dire et l'art de charmer par le récit des cho-
ses passées qui brillent à chaque page. C'est en se remémo-
rant sa jeunesse, en parcourant les rues de Besançon, en
 errant dans son cher vallon de Quintigny, en allant respirer
 l'air subtil du Jura, c'est dans ces moments—là qu'il possède
 toute sa force, toute sa verve, toutes les ressources de son
 esprit. Là, sa mélancolie est vraie, car il regrette la jeunesse
 et la patrie, non pas avec amertume, mais avec la douce tris-