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                   ET VICTOR DE LAPRADE.                    213

 dément que vous, s'emportait en analhèmes contre les hom-
 mes et les choses de ce temps; quand je répandais ma colère
 et mon mépris, c'était vous toujours qui me rappeliez à la
 sainte loi de charité, à notre commun idéal de paix et d'amour,
 dont ne s'écartèrent jamais une seule de vos actions, une
seule de vos pensées.
    Nul ne fut plus que vous animé de la croyance au Dieu
bon; nul n'affirma plus fortemenl le bien, commencement et
fin de toutes choses; nul n'oublia mieux les misères de la vie
présente dans l'universelle contemplation de l'être et des iné-
puisables félicités de la vie absolue. La notion divine de l'a-
mour éclairait toutes vos conceptions; à sa lumière infaillible
vous regardiez toute Å“uvre et toute action de l'homme, tou-
tes vos doctrines en jaillissaient. Celte révélation du principe
de toute science vous ne l'aviez reçue de personne ; elle vous
venait directement de Dieu. Et moi je me réjouissais de
sentir la puissance de votre inspiration supérieure ; j'y trou-
vais un guide pour mon esprit, un soutien pour ma volonté.
   Je vous ai rencontré à l'heure où commence la jeunesse,
vous êtes parti à l'heure où la jeunesse s'en va ; notre amitié
représente pour moi tout ce que le matin de la vie a de no-
bles aspirations, de saintes croyances, d'ardents dévoûmenls.
C'est vous qui, durant ces trop courtes années, iivez pénétré
le plus profondément dans les replis de ma conscience ; j'ai-
mais à vous en faire toucher les palpitations les plus secrètes,
car vous sondiez avec une clairvoyance égale les plus petites
plaies du cœur et les plus grands problèmes de l'esprit ; vous
saviez nous conduire dans les sentiers étroits de la vie pra-
tique et dans les vastes régions de la pensée.
   Vous jugiez sainement des choses du monde, parce que
vous aviez la science d'un monde supérieur. Vous habitiez par
avance cette sphère plus pure ; votre ame, dirigée tout en-
tière vers les idées éternelles, donnait si peu de son attention