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                        LOUISE LABÉ.                        195

la supériorité de sa femme. Les mêmes faveurs auraient été
réglées selon l'usage des ménages les plus bourgeois ; un
baiser solennel, au jour de l'an peut-être. Ennemond se serait
effacé modestement pour laisser briller cette femme, objet de
tant de recherches et de hauts empressements. Quoiqu'il en
soit, aujourd'hui qu'on est un peu revenu des hautes préten-
tions des hommes de cour, et môme des hyperboles fabri-
quées, au nom du génie, on ne s'intéresse que plus vivement
à cet artisan modeste, sans prétentions personnelles, occupé
à mettre en relief un objet vénéré, placé au dessus de toutes
ses conceptions et qui lui rend en estime, en soins affec-
tueux le prix d'une admiration aveugle et d'un naïf enthou-
siasme. Y avait-il place pour un autre sentiment entre ces
deux âmes d'une trempe si différente et pourtant si bien
faites pour se comprendre ? Aujourd'hui ce serait sur lui
que roulerait le principal intérêt dans l'étude de ce type
d'un ménage platonique. C'est un négociant fortuné qui veut
que sa femme soit honorée pour son génie, comme il l'est
lui pour sa position sociale. La comédie de Molière ne trouve
aucune place dans l'intérieur de deux époux, dont l'un traça
d'une main savante et ingénieuse les premiers linéaments du
programme assigné aux femmes savantes des siècles futurs,
 tandisque l'autre ne cherchait pas même à s'élever aux colères
 burlesques du bonhomme Chrysale. L'art doit certaine/nent
de la reconnaissance à Ennemond Perrin qui créa de doux
 loisirs à son poète, c'est-à-dire à sa femme, et les Bos-
Bleu, d'aujourd'hui surtout, porteront au troisième ciel ce
 type de l'honnête homme et du bon mari.
   N'oublions pas que la Belle Cordière a su se produire sur
un théâtre secondaire et que c'est là justement ce qui fait sa
gloire. Si le langage des louangeurs qui l'entourèrent ne fut pas
toujours décent et convenable, elle l'ignora sans aucun doute,
et la honte d'avoir profané ce culte revient, sans contredit, Ã