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LOUISE LABÉ. 193 très une place à part à cause de sa position, à cause de son gé- nie.Elle est le reflet d'une individualité littéraire qui n'exista qu'une seule fois dans la Grèce antique et qui vraisembla- blement n'aura pas d'autre type parmi nous. Sans souci réel de ce qu'une grande dame appellerait de la considération, elle sut unir au goût des lettres celte dose de galanterie qui effleure une réputation sans la percer à jour. Celait le seul rôle qu'il fut possible de revêtir à cette époque et celui qui sied le mieux dans tous les temps à la femme poète. Si donc Louise Labé se laissa devancer de quelques pas dans la voie de la sagesse par la gentille et vertueuse Per- nette du Guillet, elle prit un essor bien plus élevé dans la carrière de la poésie. Son entourage ne la valut pas. Les hommes de cour qui venaient lui rendre hommage en se rendant soit à l'armée de l'Italie, soit à la cour de Jules III, apportaient, avec les fla- gorneries obligées de leur talent poétique, un peu de ce dé- nigrement qu'on croit être une monnaie courante à l'usage d'un monde supposé placé au dessous de soi. Nul ne s'atten- dait sans doute à trouver dans un milieu un peu bourgeois une femme qui, par la délicatesse de ses sentiments, la trempe de son esprit et l'élévation de sa pensée, n'avait peut-être pas de rivale en Europe. Or, si la Belle-Cordière était adorée comme elle méritait de l'être, les brocards se répandaient sur ce que sa situation avait de vulnérable, c'est-à -dire que la majeure partie de ces épigrammes revenaient à sire Aymon. Il reste à cet égard une pièce fort peu gracieuse d'Olivier de Magny, laquelle semble avoir échappé aux éditeurs de 1824. Un poète qui avait été goûté à la cour de Henri II, et dont la muse louangeuse salua le- berceau de la trop célèbre Margue- rite de Valois, le secrétaire d'un ambassadeur à Rome, plus tard intendant des finances, un homme enfin, qui, à son dire, aurait été, dans le cercle de Louise Labé, fort bien venu alors, 13 I