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 190                     LOUISE LABÉ.

  vance. Elle a son génie propre et elle crée un type qui n'eut
  pas d'autre expression en France. Elle ose beaucoup dans un
  siècle où les femmes n'avaient encore rien osé ; son vers est
  timide cependant et son inspiration comme voilée. Elle com-
  prit qu'à son époque le seul genre de littérature permis aux
  femmes, était celui qui ajoute aux grâces de l'esprit et de la
 personne. Loin de faire un métier des lettres, il faut en quel-
  que sorte lui soustraire ses manuscrits comme pour qu'elle
 consente à les livrer à l'impression. Nous voyons que l'usage
 d'en tirer un autre parti ne date que bien longtemps après ;
  ni Molière, ni Rousseau, ni aucun auteur qui ait tenu à la
 bonne compagnie de son temps, ne songe au prix qu'il pourra
 retirer d'un manuscrit. La littérature devenue commerce et
 industrie est-elle un progrès? Louise Labé ouvre la marche,
 et elle sent elle-même, elle exprime avec une grâce infinie
 qu'elle ne peut aller bien loin dans celle entreprise ; c'est
 un désir qu'elle manifeste et rien davantage.
     En effet, Tes artistes émérites de la grande production lit-
  téraire d'aujourd'hui trouveront son faire bien timide et ses
 conceptions un peu écourtées. Car aujourd'hui cette produc-
 tion ayant suivi la route ouverte par la consommation même,
 les procédés se sont infiniment perfectionnés. La littérature a
 cru de sa dignité et de son devoir de suivre la voie large ou-
verte par l'industrialisme moderne. Il en résulte seulement
 que l'habitude semble avoir manqué aux premiers écrivains
 qui se sont inspirés de leur propre cœur pour tracer quel-
ques lignes à l'adresse de leurs contemporains, et que la
postérité a bien voulu contresigner depuis. A des esprits
moins prévenus qu'on ne l'est aujourd'hui sur certains
points, cette sobriété de style, ce défaut absolu d'inven-
tion et de mouvement paraîtrait peut-être de la sagesse,
l'étude scrupuleuse el attentive des véritables impulsions
du cœur humain Mais il est des esprits supérieurs pour