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CÔME, LE LAC ET SES BORDS. 115 fait le meilleur calcul? lequel amènera son pavillon humilié? Je ne le sais; la lutte sera longue et véhémente; peut-être finira-t-elle par la ruine de tous deux ; peut-être par une alliance ; peut-être conserveront-ils chacun une existence in- dépendante et sans profit; peut-être l'un venant à succomber, l'autre restera maître absolu ; a lui le lac, à lui l'empire !.... jusqu'à ce qu'un vengeur se présente avec une machine plus forte encore, avec les séductions de la nouveauté, cette autre puissance. C'est l'éternelle histoire de la rivalité des entre- prises qui se prennent corps à corps, qui veulent chacune, en particulier, que l'autre sorte de devant son soleil. Côme est, surtout le dimanche, durant la belle saison, la promenade favorite des Milanais, bien qu'un peu lointaine. Toutes les classes de la société s'y trouvent et y passent des heures de voluptueuse paresse, caressées par de fraîches bri- ses sur les flots onduleux. J'y ai aperçu, non sans quelque surprise et sans reculer de quelques pas, un homme qu'on m'avait montré à Milan, et sur qui a lui, un jour, une lueur sinistre de hideuse célébrité. Ce jour-là , —c'était vers la fin de la domination française, et le vice-roi, Eugène Beauharnais, était assiégé dans Man- toue, — ce jour-là donc, la ville de Milan vit un affreux spectacle. Dès le matin, de sombres rumeurs circulaient. De la porte Ticineseà la porte Comasine, on voyait grossir l'orage parmi le peuple. Des menaces et des cris de mort sortaient des groupes. Les honnêtes citoyens étaient saisis de cette inerte stupeur qui présage les funestes événements publics et les laisse s'accomplir. La garnison demeurait immobile et traîtreusement casemée au château. Tout-à -coup l'orage populaire crève sur un palais au cen- tre de la ville. On enfonce les portes ; les plus avancés, les plus acharnés se ruent dans l'intérieur, et déjà la foule crie de tous côtés: Vavez-vous trouvé ? — Non, répondent quel-