page suivante »
50 DES PASSIONS lement aux âmes consacrées aux muses et à l'amour, et qui ont contemplé les pures essences, est l'ame du poète, c'est la poésie elle-même, mais il faut que l'auteur dramatique soit quelque chose de plus que poète, il faut qu'il soit philosophe, qu'il ait l'intelligence de la vérité : or, la poésie fut surtout le don de cette terre bénie du ciel qui vit naître Homère et Platon. Et, si au sublime point de vue du philosophe athé- nien, on peut dire, peut-être justement, que le vrai et le beau sont identiques, il n'en est pas de même dans les choses qui se passent autour de nous; il n'en est pas ainsi dans le drame. Un sentiment peut être très vrai et n'être pas beau, il peut être très beau et n'être pas vrai. C'est comme un mauvais portrait ressemblant et un chef-d'œuvi'e auquel il ne manque que d'avoir un peu l'air du modèle. Est-ce à dire qu'il n'y a point de vérité dans le théâtre grec? je me garde bien d'avancer un tel paradoxe. Mais ce peuple, amoureux du grand, de l'héroïque, a souvent, dans ses drames, transformé l'homme en héros ou en demi-dieu. Agamemnon, Achille, Ajax sont bien vivants sans doute, mais ils tendent parfois à une grandeur un peu surhumaine. —Ce qui fait leur réalité, c'est qu'ils sont grecs, c'est qu'ils sont animés des mêmes sentiments, de la même vie que les specta- teurs qui les écoutent. Mais ils se montrent déjà , pour l'an- tiquité, comme des types auxquels l'abstraction", n'a pas encore ôté complètement l'existence, il est vrai, maiis qui sont déjà tout près de sortir de la réalité vivante. Le théâtre du XVIIe siècle accomplit en changement. Il prend au théâtre grec ses règles et son système d'exclusion à l'égard de certains sentiments, non plus seulement par un culte idolâtre de la beauté, mais par le respect »des convenan- ces de cour. Il lui prend aussi ses personnages. Mais le modèle était vivant et la copie est morte. Le i modèle s'agi- tait, se mouvait, offrant au regard mille expressions diverses;