Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
24                SKJOIÃR DE J . - J .   ROUSSEAU

ridicule de donner tant d'importance à une existence aussi fu-
gitive que la nôtre ; j'attends sans impatience que la mienne
soit fixée; le reste, qui devient tous les jours moindre, est à la
merci de la nature et des hommes, ce n'est plus la peine de le
leur disputer : j'aimerais assez à passer ce reste dans la grotte
de la Balme, si les chauves-souris ne l'empuantissaient pas, »
   Mais ce calme, ce repos apparent ne furent pas de longue
durée; dans le courant de décembre 1768, J.-Jacques tomba
gravement malade. On commençait le dessèchement des ma-
rais de Bourgoin ; la saison n'était pas très froide, mais très
humide; la fièvre intermittente régnait dans le pays d'une ma-
nière épidémique, elle frappa Rousseau; il fut pris d'un
gonflement considérable du ventre, surtout vers les organes
digestifs supérieurs, les membres s'engorgèrent ; il lui fut,
dès lors, impossible de se baisser, de se chausser, et môme de
tenir une plume; une gène extrême dans la respiration sur-
vint, l'amaigrissement fut rapide, la faiblesse très marquée.
Le malade, impassible au milieu de ses douleurs, crut qu'il
allait être, avant peu, délivré des misères de la vie; il sentit
approcher la mort avec sang-froid. Plein de résignation, il
indiqua à ses amis les dispositions qu'ils devaient prendre re-
lativement à ses ouvrages et à ses papiers. « Si j'avais eu plus
de forces et de moyens, faisait-il écrire, le 12 janvier 1769, à
M. Dupérou; que ma santé fût moins désespérée, je tâcherais
d'aller travailler à la rétablir dans quelqu'habitation plus con-
venable à mon tempérament; mais le mal me paraît sans re-
mède, je suis 1res faible, c'est une grande fatigue pour moi
de me transplanter         » Une autre fois, il répondait à une
lettre dans laquelle son ami s'efforçait de relever son espérance
et son énergie : « Je commence d'entrevoir le repos que vous
m'annoncez et que j'ai pressenti même avant vous ; un grand
mal d'estomac accompagné d'enflure , d'étouffement et de
fièvre m'en montre la route, autre que celle que vous avez pré-