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A BOURGOIN. 17 son ami Lalliaud, le 31 août 1768, quelques jours après son mariage, et pour le lui annoncer, —j'ai fait en sorte au moins qu'elle pût la suivre avec honneur, j'ai cru ne rien risquer de rendre indissoluble un attachement de vingt-cinq ans, que l'estime mutuelle, sans laquelle il n'est point d'amitié dura- ble, n'a fait qu augmenter incessamment; la tendre et pure fraternité, dans laquelle nous vivons depuis treize ans, n'a point changé de nature par le nœud conjugal, elle est, et sera jusqu'à la mort, ma femme par la force de nos liens, et ma sœur par leur pureté. » Comment concilier ces tendres, ces affectueuses paroles avec les suivantes citées dans la Biographie universelle de Michaud, comme tirées d'une lettre de reproches écrite à Thérèse, sitôt que J.-Jacques se fut retiré à Bourgoin : « Je n'aurai jamais sungé à me séparer de vous, si vous n'aviez été la première à m'en faire la proposition. «Cette lettre, comme on le verra plus tard, ne date point de cette époque; au contrai- re, Rousseau regrettait alors très vivement l'absence de sa com- pagne, que des circonstances impérieuses, des devoirs à rem- plir, avaient séparés de lui. Aucune brouille sérieuse ne s'é- tait produite : on ne trouve dans toute sa volumineuse corres- pondance aucune lettre de reproches avant l'année 1769. De- puis peu de temps môme, il avait exigé que Thérèse fût trai- tée, en tout et partout, par ses bienfaiteurs, ses hôtes, ses amis, avec une déférence extrême, et comme son épouse lé- gitime. Ce n'est que plus lard que les discussions commen- cèrent : nous le prouverons, en faisant connaître leur cause et leur date précise. Cette erreur, commise dans la Biographie de Michaud, est peu importante ; j'ai dû la relever néanmoins, parce qu'elle établit une espèce de contradiction entre là conduite de Rousseau et ses paroles. Ses sentiments, lors- qu'il s'est agi de sa femme, ont été ou du moins m'ont paru jusque-là toujours les mêmes, il y a dans la vie de ce philo-