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8 POÉSIE. Cette ivresse, pourtant, je la puise en Dieu même; Mais, pour y prendre part, où sont tous ceux que j'aimei' Mon cœur ici les nomme et parle à chacun d'eux ; Jamais tant qu'à cette heure, à travers mes nuages, Si douce leur parole, et si doux leurs visages, N'ont échauffé mon cœur, et lui devant mes yeux. La pensée a peut être, affrontant la distance, Des ailes pour voler vers ceux à qui l'on pense, Sans se perdre à travers le monde aérien ! Vous tous, absents chéris, qui manquez à ma joie, Des effluves d'amour que mon cœur vous envoie. Ce vent et ce soleil ne vous portent-ils rien? Où va donc, où va donc, si nul ne le devine, Ce qu'exhale mon sein d'émotion divine? Pourquoi ce doux concert, s'il n'est pas entendu ? Des plantes du désert qui respire la feuille ? Que deviennent ces fruits que nulle main ne cueille!... Donne tous tes parfums, mon cœur, rien n'est perdu! Vois, chaque goutte d'eau, que la terre la boive, Que le vent sur son aile en vapeurs la reçoive, Retourne à l'Océan, et s'y mêle à son jour ; Ainsi chaque soupir, chaque extase cachée, Chaque larme pieuse au coin de l'œil séchée, Vont enrichir au ciel les sources de l'amour. Victor de LAPRADE.