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CHARLES. 457
Le jeune sculpteur s'exprimait avec une véhémence inouïe,
sa parole fougueuse débordait et bondissait semblable à un
torrent. Tantôt il s'agitait sur son lit comme un prêtre antique
possédé par son dieu; tantôt il parcourait l'appartement Ã
pas précipités, accompagnant ses discours des gestes les plus
énergiques. Trois heures s'écoulèrent ainsi, entraînées par
une conversation ardente où se confondirent, dans un poé-
tique désordre, la philosophie, l'art, la poésie, les femmes,
tous les sujets qui préoccupent la pensée, tous les rêves qui
exaltent l'imaginaiion. Enfin, il fallut se quitter.—Adieu,
dit Georges, le cœur navré, en présentant sa main à l'artiste.
— Adieu, répondit Charles, en lui tendant la sienne triste-
ment, lentement; adieu! dit-il d'une voix émue : et les deux
amis se séparèrent pour ne plus se revoir.
L'espèce de crise produite par cette entrevue fut pendant
quelques jours favorable au malade; il sortit même plusieurs
fois. Quoique toujours solitaire et rêveur, un moment on eut
l'espoir que le calme rentrerait dans son âme et le rendrait
aux belles destinées qui lui étaient promises. Cet espoir dura
peu. L'isolement absolu dans lequel il s'obstinait à vivre, la
concentration perpétuelle de son esprit sur les funestes chi-
mères dont il élait obsédé, ne tardèrent pas à ramener ses
manies furieuses ; elles reparurent plus violentes que jamais.
Renfermé de nouveau dans sa chambre, on le vit en proie Ã
de telles exaspérations, sa famille courut des dangers si réels
qu'on dût le transporter dans une maison de fous. Là s'étei-
gnit douloureusement une des plus belles intelligences qu'il
nous ait été donné de connaître.
La statue colossale de la reine Illlrogolhe, unique trace
que le malheureux Charles ail laissée de son rapide passage
en ce monde, suffit pour faire connaîlre tout ce qu'il eût pu
devenir, et tout ce qu'il élait déjà . Les hommes dont le goût
est épuré, les artistes formés aux études sévères, la regardent
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